La procédure de révision du plan local d’urbanisme de la Ville de Paris, prescrite par la délibération 2020 DU 104 des 15, 16 et 17 décembre 2020 du Conseil de Paris, est sur le point d’aboutir avec la publication du rapport de la commission d’enquête le 29 juillet dernier.
Après la phase d’information préalable (fin janvier-avril 2021) et une grande phase de concertation (avril 2021- octobre 2022), le projet de Plan local d’Urbanisme bioclimatique (PLUb) a été arrêté par le Conseil de Paris du 5 juin 2023.
Sur cette base, les personnes publiques associées ont été consultées, telles par exemple l’État, le Conseil Régional d’Ile de France, la Métropole du Grand Paris, Ile-de-France Mobilités, la Chambre des Métiers et de l’artisanat, la Chambre de Commerce et d’industrie, SNCF, RATP, les communes voisines.
Organisée du 8 janvier au 29 février 2024, l’enquête publique est une étape importante dans une procédure de révision. Sous le contrôle d’une commission d’enquête, elle a pour objet d’assurer l’information et la participation du public, qui peut ainsi formuler des observations et propositions, à l’écrit comme à l’oral (C. env., art. L. 123-1 et R. 123-13).
Comme pour la phase de concertation, la commission a noté que la Ville de Paris est allée bien au-delà des dispositions réglementaires pour informer, échanger et recueillir les remarques du public (rap. enq. pub., p. 147).
A la fin de l’enquête, la commission d’enquête a la charge de rédiger un rapport.
Un avis favorable rendu à la l’unanimité des membres de la commission d’enquête avec une seule réserve
Après avoir relaté le déroulement de l’enquête, l’avis et les observations recueillies auprès de la MRAe et des personnes publiques associées, le rapport synthétise les observations et les contre-propositions produites durant l’enquête. Il présente les réponses éventuelles de la Ville aux observations du public (C. env., art. L. 123-15 et R. 123-19) et émet un commentaire pour chaque item appréciant si la réponse de la Ville est suffisamment précise et/ou pertinente.
Au total, 14 303 remarques ont été exprimées. Près de 71% portent sur des emplacements réservés en faveur du logement. Au-delà, ce sont les thèmes de la nature en ville et plus généralement liés à l’adaptation de Paris à la crise climatique qui sont le plus abordés.
La commission d’enquête souligne que « dans de nombreux cas, les réponses des services étaient suffisamment bien argumentées et ne méritaient ni commentaires de la commission ni ne nécessitaient des recommandations particulières dans le cadre des conclusions de la commission » (rap. enq. pub., p. 927).
Dans une présentation séparée, la commission d’enquête doit consigner ses conclusions motivées, en précisant si elles sont favorables, favorables sous réserves ou défavorables au projet.
L’avis rendu dans le rapport de la commission d’enquête sur le PLUb est favorable à l’unanimité des membres sur le projet de PLUb, assorti d’une réserve et de vingt recommandations.
La réserve consiste en la suppression des emplacements réservés touchant à des établissements qui assurent le fonctionnement de la formation initiale et continue, tant au niveau de l’accueil, de l’administration, de l’hébergement et des services techniques, de celui concernant le centre d’addictologie du 61 rue Pajol dans le 18e arrondissement et enfin d’une centaine concernant des immeubles déjà jugés inadaptés par les services de la Ville dans le cadre de l’examen des contributions recueillies lors de l’enquête. Tant que cette réserve n’est pas levée, le rapport doit être considéré comme défavorable (CE 3 novembre 2003, Commune de Luzarches, n° 230432).
En revanche, les recommandations qui sont émises n’ont pas d’effet sur la teneur de l’avis.
Notamment, sur le thème du logement, la commission relève que la servitude de mixité fonctionnelle a suscité de nombreuses observations et recommande de revoir son champ d’application : d’une part, il convient de limiter son application en cas de changement de destination seulement si celui-ci est total ; d’autre part, elle estime que l’inclusion des restructurations lourdes – dont la définition pourrait être précisée selon elle – risque de générer des effets de bord indésirables en dissuadant les propriétaires. En contrepartie de cette réduction du champ d’application, elle propose de supprimer l’exception permettant de réaliser l’exception de la servitude par compensation. La commission préconise de plus de revoir les critère du secteur d’encadrement des « autres hébergements touristiques » car elle estime que le critère du nombre d’enregistrement de meublés touristiques pour 1 000 habitants n’est pas suffisant.
Ensuite, on relèvera, concernant le thème des activités économiques, que la commission invite à encadrer les changements de destinations des activités économiques en particulier vers les activités hôtelières et para-hôtelières.
De plus, plusieurs recommandations portent sur les outils de protection des éléments naturels : diviser en secteur la zone UV ; sanctuariser 10% des espaces végétalisés pour la faune ; mettre à la disposition du public un dispositif de suivi de l’évolution des espaces verts ; produire le bilan des constructions réalisées sur la zone non aedificandi et de leur compensation par des espaces verts depuis 2019.
Enfin, on soulignera l’invitation faite à la Ville de renforcer la coopération dans le domaine des liens métropolitains, notamment avec les communes limitrophes pour permettre des actions coordonnées et conjointes dans tous les secteurs.
Un PLU-b prochainement approuvé
La Ville de Paris n’est en aucun cas tenue de se conformer au rapport. Toutefois, il lui est possible d’organiser une réunion publique afin de répondre à la réserve ou aux recommandations (C. env., art. L. 123-15).
Elle peut en outre décider de modifier le projet pour tenir compte des avis joints au dossier d’enquête, des observations du public (même si la commission d’enquête ne les a pas reprises à son compte : CE 21 mai 2008, Albertini, n° 293404), et, bien évidemment, du rapport de la commission d’enquête (C. urb., art. L. 153-21). En revanche, la Ville ne pourra pas modifier le projet sur la base de propositions qu’elle a formulées elle-même au cours de l’enquête (CAA Versailles 6 juin 2013, Société d’exploitation des établissements Valladon, n° 11VE02069).
La jurisprudence du Conseil d’État est assez souple. Une modification qui, « sans être dépourvue de lien avec la recommandation faite, a été au-delà de ce qui avait été recommandé par le commissaire enquêteur » peut être admise (CE 17 mai 2021, ASA des propriétaires du domaine de Beauvallon, n° 430244). De plus, il demeure possible d’apporter au projet des corrections d’erreurs matérielles, même si elles n’ont pas fait l’objet d’observations de la part du public ou de la commission d’enquête (CAA Nantes, 21 mai 2019, n° 18NT02960).
En tout état de cause, ces modifications ne peuvent pas porter atteinte à l’économie générale du projet (CE 28 septembre 2020, Commune du Lavandou, n°423120) sauf à procéder à une nouvelle enquête publique.
Cela étant, en l’espèce, la réserve formulée par la commission d’enquête est facile à lever, ce qui permettra à la Ville d’obtenir un avis pleinement favorable.
Une fois ces derniers ajustements effectués, la Ville de Paris pourra prochainement approuver le PLU bioclimatique, dont la commission d’enquête « apprécie le caractère novateur [en plaçant] pour la première fois l’urgence climatique au cœur de la réflexion » (p. 955) et souligne qu’il va « dans un sens très vertueux » (p. 960)
Consulter le rapport de l’enquête publique
Michèle Raunet et Eléonore Chirossel (Lab Cheuvreux)