L’arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris du 18 juin 2024 démontre que même en l’absence de règles locales d’urbanisme spécifiques, l’installation des meublés de tourisme peut toujours être refusée au titre du règlement national d’urbanisme lorsqu’ils génèrent des nuisances excédant les désagréments habituels de voisinage inhérents à l'occupation de logements collectifs.
D’un point de vue administratif, plusieurs législations permettent aux communes et intercommunalités d’encadrer l’installation de meublés de tourisme.
D’abord, pour les communes de plus de 200 000 habitants et celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne, la législation sur l’usage prévue par les articles L. 631-7 et suivants du CCH permet d’en subordonner l’installation à l’obtention d’une autorisation préalable, éventuellement soumise à compensation puisqu’au sens des textes « le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile constitue un changement d’usage ». La proposition de loi visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif (dite loi AirBnb) adoptée par les deux chambres avant d’être suspendue par l’effet de la dissolution, projetait de renforcer cet outil, notamment en sanctionnant toute personne qui se livre ou prête son concours, contre rémunération ou à titre gratuit, par une activité d’entremise ou de négociation à la commission de l’infraction à l’article L. 631-7 du CCH ou encore en permettant de limiter le nombre maximal d’autorisations pouvant être demandées dans certains secteurs.
Ensuite, selon le secteur concerné, les loueurs de meublés de tourisme sont tenus de déclarer ou d’enregistrer cette location auprès de la mairie. Le numéro de déclaration ou d’enregistrement doit impérativement être mentionné dans les annonces à peine d’amende, qui peut s’avérer très élevée y compris pour la plateforme (TJ Paris, référé, 1er juillet 2021, n° 19/54288).
De plus, la loi Engagement et Proximité de 2019 a créé une nouvelle procédure permettant aux communes ayant mis en œuvre la procédure d’enregistrement de soumettre à autorisation spéciale et préalable la location d’un local à usage commercial en tant que meublé de tourisme (C. tourisme, art. L. 324-1-1 et D. 324-1-3 et s.).
Enfin, en matière de droit de l’urbanisme, les PLU peuvent comporter des règles permettant d’encadrer l’implantation des meublés de tourisme même si, malgré la réforme de mars 2023 et le fait que ce soit un enjeu national, la location meublée touristique demeure toujours à ce jour « la grande oubliée du droit de l’urbanisme » (M. Raunet, La location meublée touristique, la grande oubliée du droit de l’urbanisme, Opérations immobilières, juin/juillet 2023, p. 46).
L’arrêt de la Cour administrative d’appel de Paris du 18 juin 2024 démontre qu’il n’y a pas que les règles locales d’urbanisme qui permettent d’encadrer l’installation des meublés de tourisme.
En l’espèce, une société dépose une demande de permis de construire en vue notamment de changer la destination de locaux d’artisanat en hébergement hôtelier en rez-de-chaussée sur cour, dans un immeuble situé dans le 2ème arrondissement de Paris. La maire de Paris refuse la délivrance du permis au motif inédit selon lequel la nature du changement de destination projeté est de nature à porter atteinte à la salubrité publique.
Le tribunal administratif ayant annulé le refus de permis de construire, il appartient au juge d’appel de préciser si l’article R. 111-2 du Code de l’urbanisme, selon lequel « le projet peut être refusé ou n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales s’il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d’autres installations » peut valablement fonder un refus de permis tendant à l’installation de meublés de tourisme en raison des troubles que cela pourrait occasionner pour le voisinage.
Sur le plan des principes, la Cour administrative d’appel de Paris considère que cela est possible. Selon elle, «il n’est pas exclu que des nuisances, notamment sonores, générées par des hébergements touristiques implantés dans des copropriétés, puissent être de nature à porter atteinte à la salubrité publique au sens des dispositions précitées de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme, (…) à la condition que le projet, notamment par sa nature, son importance ou ses conditions d’utilisation, compromette de façon grave et continue la qualité de vie des résidents de la copropriété ».
Pour statuer sur la validité du refus de permis de construire en l’espèce, le juge se livre à une appréciation très concrète.
Le projet envisage de créer trois logements destinés à l’hébergement d’hôtes munis de bagages et accueillis pour de courts séjours. Les logements sont configurés de telle sorte qu’ils disposent chacun d’une entrée donnant sur la cour intérieure pavée de l’immeuble et peuvent accueillir au total un nombre maximum de 12 personnes simultanément. Dans ces conditions, le projet, par sa nature, son importance, et eu égard à la configuration des lieux, présente un risque de nuisances, notamment sonores, excédant les désagréments habituels de voisinage inhérents à l’occupation de logements collectifs, et est ainsi de nature à porter atteinte à la salubrité au sens des dispositions précitées de l’article R. 111-2 du code de l’urbanisme, ce qui justifie un refus de permis de construire.
Dans ces conditions, le règlement national d’urbanisme constitue donc pour les collectivités un outil permettant, même en l’absence de règles spécifiques de leur PLU à ce sujet, de lutter contre les meublés de tourisme générant des nuisances excédant les désagréments habituels de voisinage inhérents à l’occupation de logements collectifs.
CAA Paris 18 juin 2024, Ville de Paris, n° 23PA00354