Cheuvreux Paris

Inapplication du droit de préférence « Pinel » en cas de cession de droits indivis

29 Jan 2025 Newsletter

Le champ d’application du droit de préférence du locataire commercial instauré par la loi n° 2014-626 du 18 juin 2024 dite « Pinel » et codifié à l’article L. 145-46-1 du Code de commerce est précisé depuis plusieurs années par les juges. Un nouvel arrêt a été rendu en la matière le 10 septembre dernier par la Cour d’appel de Rennes.

En l’espèce, le propriétaire d’un lot consent un bail commercial sur ce dernier.

Quelques années plus tard, le propriétaire cède à un tiers la moitié indivise de la pleine propriété dudit lot. Plusieurs mois après, il cède à un autre acquéreur l’autre moitié indivise.

Estimant que le droit de préférence établi par l’article L. 145-46-1 du Code de commerce a été méconnu à l’occasion de ces deux cessions, le preneur à bail commercial sollicite l’annulation de chacune des ventes de moitié indivise du local loué.

Par un jugement rendu le 10 novembre 2022, le Tribunal de commerce de Nantes le déboute de sa demande. Le locataire interjette alors appel de cette décision mais il est débouté par la Cour d’appel de Rennes.

Après avoir rappelé que l’article L. 145-46-1 doit être interprété strictement et que le droit de préemption qu’il établit est donc limité « au seul local où il exerce son activité », la Cour identifie les deux questions à trancher, à savoir :

  • si le droit de préemption du locataire commercial était applicable en cas de cession d’une part indivise du local et
  • si la cession litigieuse était intervenue en fraude des droits du locataire.

Sur le premier point, les juges adoptent une motivation fondée sur l’intention du législateur. Ils citent deux amendements déposés devant l’Assemblée Nationale qui avaient pour objectif d’éviter les contournements potentiellement frauduleux de l’article L. 145-46-1. Le premier tendait à étendre le droit de préemption du locataire commercial en cas de cession d’une majorité des parts d’une SCI détenant un local donné à bail commercial, le second à étendre ce même droit en cas de cession de l’usufruit ou de la nue-propriété du local donné à bail.

Relevant le rejet de ces deux amendements, la Cour souligne qu’il « apparaît ainsi que le législateur a entendu explicitement restreindre le droit de préemption et l’a notamment exclu en cas de cession démembrée de la nue-propriété et de l’usufruit ou en cas de cession de parts sociales d’une société civile immobilière propriétaire du local commercial ». Elle poursuit qu’ « une  telle volonté de restriction est applicable aux cessions indivises, y compris au risque qu’elles soient utilisées pour contourner les dispositions du texte instaurant un droit de préemption ».

Sur le second point, les juges écartent au cas particulier la fraude :

  • d’une part parce que le fait que les deux acquéreurs se connaissaient « ne permet pas de caractériser une entente entre eux aux fins de frauder les droits du locataire alors qu’une indivision par moitié nécessite pour être viable une entente minimale » ;
  • d’autre part, parce que la prétendue faiblesse du prix de vente liée à la décote résultant de la vente en parts indivises montrerait que le montage n’a pas été réalisé dans des conditions « optimales » pour le vendeur.

La Cour d’appel de Rennes confirme ainsi le jugement de premier instance.

Cette décision s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence qui interprète strictement le champ d’application du droit de préférence du locataire commercial.

Cette appréciation restrictive se manifeste notamment au regard :

  • de la qualité de celui qui peut s’en prévaloir : il s’agit exclusivement du locataire titulaire du bail commercial en cours et non – comme la très récemment rappelé la Cour d’appel de Paris – le locataire évincé exerçant son droit au maintien dans les lieux après délivrance d’un congé valant refus de renouvellement du bail[1], et ce sans que le locataire ne puisse prétendre à une quelconque faculté de substitution au profit d’un tiers[2]
  • de l’opération qui génère son application : la Cour d’appel de Paris a écarté le droit de préférence du locataire commercial dans le cadre de la cession de titres[3]. Il semblerait que ne soient également pas concernées les opérations de fusion ou d’apports en société[4].

Comme le relève la Cour d’appel de Rennes, cette jurisprudence restrictive se justifie par le fait que le droit de préférence de l’article L. 145-46-1 constitue une restriction au droit de propriété du bailleur[5].

CA Rennes 10 septembre 2024, n° 22/07317

 

[1] CA Paris, 25 juin 2024, n° 21/15897 : « Cependant, comme l’a exactement relevé le premier juge et ainsi que le soutiennent les intimées, il résulte des articles combinés L. 145-28 et L. 145-46-1 du code de commerce que le preneur évincé à la suite d’un refus de renouvellement du bail avec offre d’éviction, ayant perdu de ce fait, la qualité de locataire titulaire du bail en cours, locataire qui, en l’espèce, n’a pas contesté ce congé et sa qualité d’occupant, ne peut se prévaloir, à défaut de droit de préférence conventionnel, inexistant au cas présent, du droit de préemption prévu en cas de cession des locaux loués. ».

[2] Rép. min. n° 21155, JO Sénat, 22 avril 2021, p. 2702 : « Ainsi, seul le titulaire du bail portant sur le local commercial ou artisanal peut en bénéficier. Si le locataire est une société, le droit de préférence lui revient, et ne peut bénéficier individuellement à un actionnaire, un dirigeant ou un salarié, fut-il occupant des lieux. ».

[3] CA Paris 24 octobre 2018, n° 18/07660

[4] V. J-D. Barbier, Ch-E. Brault, Le statut des baux commerciaux, ed. 2024, Lextenso, p. 290.

[5] V . également : CA Douai, 23 mars 2023, n° 20/05233 : « il convient de rappeler que le droit de propriété est un droit fondamental, de valeur constitutionnelle, alors que l’obligation impartie au propriétaire de locaux désignés par l’article L.145-46-1 du code de commerce, qui envisage de les vendre, de faire une offre au locataire de ces locaux, constitue une restriction légale du droit du propriétaire de disposer à sa guise du local dont il est propriétaire. Il en résulte l’obligation pour le juge d’interpréter strictement le texte, quant aux dispositions qui délimitent son champ d’application ».




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