Par une décision du 31 juillet 2025 le Conseil d’Etat se prononce sur une question d’obtention frauduleuse de permis de construire.
En l’espèce une société sollicite auprès de la mairie la délivrance d’un permis de construire valant démolition. La mairie lui accorde ledit permis. Puis un recours gracieux est formé par une autre société co-propriétaire du chalet. La mairie informe alors le pétitionnaire de son intention de retirer le permis et procède à son retrait effectif un mois plus tard au motif que le pétitionnaire ne dispose pas de l’autorisation des autres copropriétaires.
La société ayant sollicité la délivrance du permis saisit alors le Tribunal administratif afin de voir annuler pour excès de pouvoir le retrait de celui-ci. Le tribunal fait droit à sa demande en invoquant deux motifs.
Premièrement, la violation du caractère contradictoire de la procédure. En effet, le retrait d’un permis est une décision défavorable. Or, en vertu de l’article L. 122-1 du Code des relations entre le public et l’administration, ces décisions n’interviennent « qu’après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales ». En l’espèce, la pétitionnaire, malgré sa demande, n’a pas pu présenter d’observations ce qui constitue de fait une atteinte au caractère contradictoire garanti par le Code des relations entre le public et l’administration.
Deuxièmement, le Tribunal administratif estime qu’il y a absence de fraude caractérisée pour plusieurs raisons. D’abord, le défaut d’autorisation des travaux par l’assemblée générale des copropriétaires ne suffit pas à caractériser une fraude. Les délais nécessaires à l’instruction de la demande d’urbanisme et ceux nécessaires à la tenue d’une assemblée générale des copropriétaires n’étant pas toujours compatibles, il est fréquent que les deux demandes soient élaborées en parallèle l’une de l’autre. De même, le tribunal estime qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que la société a induit l’administration en erreur en attestant remplir les conditions de l’article R* 423-1 du Code de l’urbanisme qui dispose que : « Les demandes de permis de construire, d’aménager ou de démolir et les déclarations préalables sont adressées […] par le ou les propriétaires du ou des terrains, leur mandataire ou par une ou plusieurs personnes attestant être autorisées par eux à exécuter les travaux ». Enfin, même si le permis portait sur la démolition d’un bâtiment existant, cela ne suffit pas à établir une intention frauduleuse.
Par suite du jugement du Tribunal administratif, deux pourvois sont formés. L’un par la commune et l’autre par la société co-propriétaire du chalet. Le pourvoi de la commune est rejeté comme irrecevable car tardif, contrairement à celui déposé par la société.
Sur la question de la fraude, le Conseil d’État revient sur le raisonnement du Tribunal administratif, estimant que la fraude est caractérisée dans la mesure où la société pétitionnaire, qui savait ne pas remplir les conditions de l’article R* 423-1 du Code de l’urbanisme, a dissimulé qu’elle ne disposait pas de l’autorisation des autres copropriétaires pour des travaux affectant leurs parties privatives. Par ailleurs, aux termes d’une décision rendue par la Cour d’appel de Chambéry, le juge pénal avait constaté la volonté de tromper l’administration, cette décision s’imposant à la juridiction administrative. Notons que dans une décision antérieure du 23 octobre 2020, le Conseil d’État avait établi que l’absence d’autorisation de l’assemblée générale était sans incidence sur la qualité du copropriétaire en tant que pétitionnaire et ne caractérisait pas une fraude. Mais dans l’affaire jugée en 2020, contrairement au cas d’espèce, les travaux envisagés étaient sans impact sur les parties privatives des autres copropriétaires. Cette décision semble donc venir compléter et non contredire la jurisprudence antérieure sur la question de la fraude en matière d’obtention des autorisations d’urbanisme.
En revanche, et malgré la fraude, le Conseil d’État confirme la décision du Tribunal de Grenoble sur la violation du principe du contradictoire qui justifie à elle seule la décision d’annuler le retrait du permis. En conséquence les deux pourvois sont rejetés.