Aux termes d’une décision rendue le 15 octobre dernier, le Conseil d’État a rappelé certaines règles applicables en matière de régularisation de constructions irrégulières.
En l’espèce, une SCI acquiert en 2005 un terrain sur lequel sont édifiées sans autorisation une maison principale, une maison dite « de famille » et une piscine. Puis elle entreprend des travaux d’extension de façon irrégulière de la maison principale. Après avoir fait l’objet de deux procès-verbaux d’infraction et d’un arrêté interruptif de travaux, la société sollicite un permis de construire afin de régulariser les travaux d’extension de la maison principale uniquement. Par arrêté du 18 juillet 2006 le permis de construire est délivré.
Des années plus tard, en 2015, les voisins demandent le retrait pour fraude du permis délivré en 2006. Après le rejet implicite de leur demande, ils saisissent le tribunal administratif demandant l’annulation du permis de construire. Leur requête est une nouvelle fois rejetée. En parallèle, aux termes d’un jugement rendu par le tribunal correctionnel en date du 29 juin 2017 et confirmé en appel puis en cassation, le permis est jugé frauduleux et il est prononcé la démolition des constructions réalisées. Dans le même temps, le maire de la commune retire pour fraude, en conséquence des jugements rendu en correctionnel, le permis de construire délivré en 2006. La SCI saisit alors le tribunal administratif qui annule l’arrêté prononçant le retrait du permis.
Le Conseil d’État annule le jugement rendu par le tribunal administratif au motif que lorsqu’une construction a fait l’objet de transformations sans les autorisations d’urbanisme requises, il appartient au propriétaire qui envisage d’y faire de nouveaux travaux de déposer une déclaration ou de présenter une demande de permis portant sur l’ensemble des éléments de la construction qui ont eu ou auront pour effet de modifier le bâtiment tel qu’il avait été initialement approuvé. Il en va ainsi même dans le cas où les éléments de construction résultant de ces travaux ne prennent pas directement appui sur une partie de l’édifice réalisée sans autorisation. En revanche, une telle exigence ne trouve pas à s’appliquer dans le cas où les travaux effectués sans autorisation concernent d’autres éléments bâtis sur le terrain d’assiette du projet si le permis demandé ne porte pas sur ces éléments distincts du projet, sauf si ces derniers forment avec la construction faisant l’objet de la demande d’extension, en raison de liens physiques ou fonctionnels entre eux, justifiant une appréciation globale de leur conformité à la règle d’urbanisme, un ensemble immobilier unique.
Le tribunal administratif avait jugé qu’il n’existait pas de lien physique ou fonctionnel entre la maison principale et la maison de famille.
Le Conseil d’État réfute cet argument expliquant qu’en 2006 la fraude ne pouvait se déduire des éléments du dossier, mais que postérieurement à la délivrance du permis, l’ampleur des travaux et la réalisation d’un lien physique entre la maison principale et la maison de famille ainsi que l’exploitation commerciale entamée en 2011 était de nature à permettre de caractériser que l’intention du pétitionnaire était de réaliser un ensemble immobilier unique. Il était donc possible d’établir la fraude au moment du rendu du jugement.
Par ailleurs, la Haute juridiction considère sur le fond que la demande de permis faite en 2006 faisait état des surfaces non seulement de la maison principale mais également de la maison de famille et que le projet étant de réunir les deux afin de de réaliser un ensemble immobilier unique, la SCI aurait dû solliciter la régularisation de la construction de la maison de famille, ce qu’elle a intentionnellement omis de faire afin de contourner les règles d’urbanisme applicables.
Le Conseil d’État conclut donc que c’est à bon droit que le maire de la commune a procédé au retrait du permis pour fraude.