Une convention d’occupation précaire n’est pas un bail ; l’occupant à titre précaire ne peut donc se prévaloir des dispositions de l’article 1719 du Code civil mettant à la charge du bailleur une obligation de délivrance des locaux loués, mais doit établir un manquement de son cocontractant à ses obligations contractuelles. Ce principe a été réaffirmé par la troisième chambre civile de la Cour de cassation, dans un arrêt rendu le 11 janvier 2024.
En l’espèce, les parties ont conclu une convention d’occupation précaire portant sur un local de stockage. En raison d’infiltrations d’eau dans le local, l’occupant a subi un dégât des eaux et a assigné le propriétaire du local en indemnisation de son préjudice, invoquant le manquement de ce dernier à son obligation de délivrance.
La Cour d’appel de Bordeaux, au visa des articles 1147 (dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016) et 1719 du Code civil, condamnait le propriétaire à indemniser l’occupant des préjudices consécutifs au dégât des eaux subis, retenant que l’existence d’infiltrations dans le local, même si leur cause restait indéterminée, caractérise un manquement du propriétaire, qualifié à tord de « bailleur », à son obligation de délivrance.
Le propriétaire se pourvoit alors en cassation, reprochant aux juges du fond de l’avoir condamner à verser à l’occupant diverses sommes à titre de dommages-intérêts alors que « sauf stipulation contraire, la convention d’occupation précaire ne comprend aucune obligation de délivrance » et qu’en retenant que le propriétaire aurait « manqué à son obligation de délivrance, sans dire en quoi la convention d’occupation précaire comprenait une telle obligation, la cour d’appel a violé l’article 1147 du Code civil, dans la rédaction antérieure à celle de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ».
La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel au visa des articles 1147 (ancien) et 1719 du Code civil et en retenant qu’« en statuant ainsi, alors que la convention d’occupation précaire n’est régie que par les prévisions contractuelles des parties, la cour d’appel a violé les textes susvisés ».
La Cour d’appel fait application à la convention d’occupation précaire des dispositions applicables au bail, laquelle ne peut pourtant pas être qualifiée de bail (Cass. 3ème civ. 19 novembre 2014, n° 13-20.089), et n’est d’ailleurs pas non plus soumise au statut des baux commerciaux (art. L. 145-5-1 C. com.). Il en résulte qu’elle n’est pas soumise aux dispositions du Code civil relatives au contrat de louage, et notamment pas à l’obligation de délivrance mise à la charge du bailleur aux termes de l’article 1719 du Code civil.
Dès lors, l’occupant ne pouvait se prévaloir des dispositions relatives au contrat de louage, dans la mesure où la convention d’occupation précaire est régie par les seules prévisions contractuelles des parties.
En l’espèce, la convention conclue ne stipulait pas une telle obligation de délivrance, laquelle aurait seule permis à l’occupant d’invoquer le manquement du propriétaire à cette obligation pour justifier sa demande d’indemnisation du préjudice
En matière de convention d’occupation précaire, les obligations des parties doivent être précisément définies et si ces dernières entendent faire application de règles empruntées au droit du louage (non applicables à titre supplétif), la rédaction dont être circonstanciée.