Cheuvreux Paris

Mais à quelles destinations et sous destinations appartient donc une école privée d’enseignement supérieur ou de formation pour adultes à Paris ? De la nécessité d’une appréciation in concreto

25 Mar 2024 Newsletter

Il est désormais courant à Paris d’être interrogé sur la nature juridique d’une école privée d’enseignement supérieur ou de formation pour adultes.

La réponse à la question nécessite une appréciation in concreto et va avoir des conséquences non négligeables sur les règles applicables et l’autorisation à demander en cas de changement de destination.

La typologie des destinations structurant les plans locaux d’urbanisme et permettant d’identifier l’existence d’un changement de destination soumis à dépôt d’une déclaration préalable ou à l’obtention d’un permis de construire a été profondément modifiée par le décret n° 2015-1783 du 28 décembre 2015 relatif à la partie réglementaire du livre Ier du code de l’urbanisme et à la modernisation du contenu du plan local d’urbanisme.

Avant ce décret, la nomenclature des destinations figurait à l’article R. 123-9 du Code de l’urbanisme et pouvait être précisée par les documents locaux d’urbanisme. Désormais, les articles R. 151-27 et R. 151-28 du Code de l’urbanisme prévoient 5 destinations, subdivisées en 23 sous‑destinations, dont la définition est précisée par l’arrêté du 10 novembre 2016, tel que modifié en 2020 (arrêté du 31 janvier 2020) et 2023 (arrêté du 22 mars 2023). L’entrée en vigueur de cette nouvelle nomenclature au sein des réglementations locales a été prévue progressivement, en fonction notamment de la date à laquelle a été prescrite leur révision (art. 12 D. 2015-1783).

Actuellement, le PLU en vigueur de la Ville de Paris est articulé selon l’ancienne nomenclature issue de l’article R. 123-9 du Code de l’urbanisme.

Par conséquent, à ce jour, sur le territoire de la Ville de Paris, il est possible de distinguer les neuf destinations suivantes :

  • constructions destinées à l’habitation,
  • à l’hébergement hôtelier,
  • aux bureaux, au commerce,
  • à l’artisanat,
  • à l’industrie,
  • à l’exploitation agricole ou forestière,
  • à la fonction d’entrepôt,
  • et constructions et installations nécessaires aux services publics ou d’intérêt collectif (dites « CINAPSIC »).

Cette nomenclature des destinations a été précisée dans le règlement du PLU, en particulier s’agissant des CINASPIC (Tome 1, p. 22 s.).

Par délibération n° 2020-DU-104, le Conseil de Paris a prescrit la révision générale du PLU. Le projet du PLU bioclimatique a été arrêté par délibération du 5 juin 2023 et devrait être approuvé en fin d’année. Il sera articulé autour de la nouvelle nomenclature issue des articles R. 151-27 et R. 151-28 du Code de l’urbanisme.

En toute hypothèse, le Conseil d’Etat a jugé que l’autorisation requise pour procéder à un changement de destination s’appréciait toujours en fonction de la nouvelle nomenclature ; ce n’est qu’au stade de l’application des règles fixées par le PLU qu’il conviendra de mettre en œuvre la nomenclature que celui-ci applique (CE 7 juillet 2022, Ville de Paris, n° 454789).

 

Destination en fonction de la nomenclature du PLU de Paris actuellement en vigueur

Le PLU de Paris actuellement en vigueur définit la destination CINASPIC et y inclut notamment les locaux suivants :

  • Les établissements d’enseignement maternel, primaire, secondaire, technique ou professionnel ;
  • Les établissements universitaires, y compris les locaux affectés à la recherche, et les établissements d’enseignement supérieur.

Bien que le règlement vise les établissements d’enseignement supérieur sans autres précisions, la position de la Ville de Paris est traditionnellement de n’inclure dans ces sous-catégories que les établissements d’enseignement supérieur se rattachant clairement au service public ou à une notion d’intérêt collectif[1]. Plus précisément, et même si cela n’est pas clairement écrit dans le PLU, ce critère est rempli lorsque l’école est subventionnée par une personne publique ou parapublique, et que les diplômes qu’elle délivre sont reconnus par l’État.

À l’inverse, il semblerait que la position de la Ville de Paris soit de considérer que les établissements d’enseignement supérieur qui ne satisferaient pas ces conditions relèvent plutôt de la destination commerce (sauf si les caractéristiques du bien conduiraient à le qualifier en bureau, notamment s’il n’est pas ouvert au public).

Selon le PLU de Paris en vigueur, la destination Commerce « comprend les locaux affectés à la vente de produits ou de services et directement accessibles à la clientèle, et leurs annexes (à l’exception des locaux relevant de la destination artisanat définie ci-après) ».

Par ailleurs, il faut se demander si une école privée ne pourrait pas ressortir de la destination Bureaux. Celle-ci, selon le PLU actuel « comprend les locaux et annexes dépendant d’organismes publics ou privés ou de personnes physiques et où sont exercées principalement des fonctions telles que direction, gestion, études, conception, informatique, recherche et développement, ainsi que tous locaux ne relevant pas des autres destinations [définies par le règlement] ».

Dans une école privée, l’activité prédominante dans les locaux est la formation. Toute la question est de savoir si les locaux peuvent être considérés comme « directement accessibles à la clientèle ». Dans de nombreux cas, l’accès à la formation est subordonné à certaines conditions (diplôme, expérience, respect de certains critères de sélection …) ; dès lors, les locaux ne sont donc pas, à proprement parler, librement accessibles à une clientèle. Néanmoins, il est difficile de considérer que les personnes suivant cette formation, qui paient très souvent des droits d’inscription pour accéder à l’école, ne puissent pas être en vus comme des clients (et non des travailleurs). En conséquence il nous semble qu’il faille écarter la destination de Bureau au profit de celle de Commerce.

 

Destination en fonction des articles R. 151-27 et R. 151-28 du Code de l’urbanisme

Selon la nouvelle nomenclature telle qu’ajustée par le décret du 22 mars 2023, la qualification d’une école privée peut relever de différentes destinations ou sous-destinations.

  • Arguments en faveur du rattachement de toutes les écoles privées à la destination « équipement d’intérêt collectif et services publics » (EICSP) et à la sous-destination « établissement d’enseignement, de santé et d’action sociale » :

A la lecture de la définition donnée par l’article 4 de l’arrêté du 10 novembre 2016, la sous-destination « établissements d’enseignement, de santé et d’action sociale » recouvre notamment les équipements d’intérêts collectifs destinés à l’enseignement.

La doctrine administrative, et en particulier le Ministère du Logement, dans une fiche technique n° 6 concernant la modernisation du contenu des PLU, de février 2017 précise :

« La sous-destination établissements d’enseignement, de santé et d’action sociale recouvre l’ensemble des établissements d’enseignement (maternelle, primaire, collège, lycée, université, grandes écoles…), les établissements d’enseignement professionnels et techniques, les établissements d’enseignement et de formation pour adultes, les hôpitaux, les cliniques, les maisons de convalescence, les maisons de santé privées ou publics (art. L. 6323-3 du code de la santé publique) assurant le maintien de services médicaux dans les territoires sous-équipés (lutte contre les « déserts médicaux »). Les maisons de santé ne répondant pas à ces critères seront classées dans la sous-destination « Activités de service où s’effectue l’accueil d’une clientèle ».

Notons que cette fiche vise « l’ensemble des établissements d’enseignement » et qu’aucun critère supplémentaire ne semble imposé (tenant par exemple à l’existence de subventions publiques ou de la reconnaissance par l’Etat des diplômes délivrés) pour que les établissements d’enseignement relèvent de cette sous-destination ; contrairement à ce qui est prévu pour les maisons de santé privées qui ne peuvent relever de cette sous-destination que si elles luttent de manière spécifique contre les déserts médicaux.

En suivant ce raisonnement, tous les établissements d’enseignement (même ceux purement privés) relèveraient de la destination EICSP et de la sous-destination “établissement d’enseignement, de santé et d’action sociale”.

Cette analyse peut toutefois soulever des difficultés. En effet, par essence, le rattachement d’une activité à la destination EICSP semblerait nécessairement induire l’exigence pour l’activité de présenter « un intérêt collectif ou de service public ». En ce sens, la fiche du Ministère précitée précise qu’un faisceau d’indices peut permettre de qualifier ce type d’ouvrage : investissement de la puissance publique, désignation de la personne morale comme délégataire ou investie d’une mission de service public, ouverture de la construction au public ou à des usagers d’un service public, etc. En suivant cette lecture, il faudrait alors considérer qu’une activité d’enseignement qui n’aurait pas de dimension publique (du point de vue de l’investissement de la personne publique ou de la reconnaissance du diplôme par exemple) ne pourrait pas être rattachée à la destination EICSP.

  • Arguments en faveur du rattachement des écoles privées à la destination « commerce et activité de service » et à la sous-destination « activité de service où s’effectue l’accueil d’une clientèle »

La sous-destination « activités de service ou s’effectue l’accueil d’une clientèle » recouvre selon l’arrêté du 10 novembre 2016 dans sa version actuellement en vigueur « les constructions destinées à l’accueil d’une clientèle pour la conclusion directe de contrat de vente de services ou de prestation de services, notamment médicaux et accessoirement la présentation de biens ».

Elle s’applique, ainsi que le précise le Guide publié par le Ministère en 2017 « à toutes les constructions où s’exercent une profession libérale (avocat, architecte, médecin…) ainsi que d’une manière générale à toutes les constructions permettant l’accomplissement de prestations de service qu’elles soient fournies à des professionnels ou des particuliers. Cette sous-destination inclut les assurances, les banques, les agences immobilières, les agences destinées à la location de véhicules, de matériel, les « showrooms » … Les magasins de téléphonie mobile entrent également dans cette catégorie. Il est en effet considéré que la vente de forfait téléphonique constitue l’activité principale des opérateurs (et non la vente de téléphone qui est accessoire). On y trouve également les salles de sport privées, les spa… »[2].

Cette sous destinations apparaît donc se caractériser par deux critères :

  • La conclusion d’un contrat de vente de service ou de prestation de service ;
  • L’accessibilité directe à la clientèle (qu’il s’agisse de particuliers ou de professionnels).

Les arguments évoqués ci-dessus s’agissant de la qualification de l’école privée sous l’empire de l’ancienne nomenclature appliquée et définie par le PLU de Paris actuellement en vigueur se retrouvent ici : s’il n’est pas possible de considérer que les locaux sont directement accessibles à une clientèle, les étudiants demeurent cependant essentiellement des clients de l’école privée.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, force est de constater que dans un certain nombre de cas pour les établissements d’enseignement supérieur ou de formation pour adultes qui se développent fortement actuellement, la qualification peut s’avérer difficile, notamment, à notre connaissance, en l’absence de jurisprudence. Or, les conséquences de cette qualification sont importantes puisque les règles applicables dans le PLU de Paris et le futur PLUb aux CINASPIC ou EICSP et à la destination Commerce ou Commerce et activité de service sont très différentes. Ce sont deux destinations protégées dans le PLU de Paris actuel (UG2) et dans le futur PLU bioclimatique (UG1) au titre de la SPH (UG 1.4.1) pour l’une et des linéaires commerciaux (UG 1.4.2) pour l’autre. Par ailleurs, le type d’autorisation requise lié au changement de destination sera différent en fonction de la qualification retenue.

 

Michèle Raunet, Notaire associée

Eléonore Chirossel et Valérie Gueguen, Lab Cheuvreux

 

[1] V. ainsi, reconnaissant la qualification de CINASPIC aux locaux de l’EHESS situés à Paris : CAA Paris 4 mai 2023, n° 22PA02950

[2] Ministère du logement et de l’habitat durable, Guide de la modernisation du contenu du plan local d’urbanisme, avril 2017, p. 73




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