Aux termes de l’article 1722 du Code civil « si, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit… ». L’article 1733 du même code énonce pour sa part que le locataire « répond de l'incendie, à moins qu'il ne prouve, que l'incendie est arrivé par cas fortuit ou force majeure, ou par vice de construction, ou que le feu a été communiqué par une maison voisine » De longue date s’est posée la question de la teneur des obligations du locataire répondant d’un incendie total des lieux loués ayant entrainé la résiliation de plein droit du bail, puisque le locataire a corrélativement perdu cette qualité. Dans l’arrêt commenté, la Cour de cassation confirme sans ambiguïté la solution précédemment dégagée en pareille circonstance. La Haute juridiction rappelle qu’il résulte de l’article 1733 du Code civil que le locataire dont la responsabilité est engagée sur le fondement dudit article se doit de réparer l'entier dommage causé par l'incendie et, en conséquence, indemniser le bailleur de la perte des loyers jusqu'à la reconstruction de l'immeuble, même si le bail a été résilié.
En l’espèce, à la suite de la destruction totale d’un immeuble loué à usage commercial en raison d’un incendie, le preneur se prévaut de la résiliation du bail, mais les bailleurs demandent sa condamnation au paiement d’une indemnité pour perte de loyers consécutive au sinistre jusqu’à l’issue de la reconstruction de l’immeuble.
Pour rejeter la demande des bailleurs en condamnation in solidum de la locataire et de son assureur au paiement d’une indemnité complémentaire au titre de la perte de loyer du local sinistré du 1er février 2010 au 31 janvier 2018, l’arrêt censuré (CA Aix-en-Provence 27 janvier 2022) retient que les difficultés rencontrées par les bailleurs pour la reconstruction de l’immeuble sinistré ne sont pas imputables à la locataire ou à la compagnie d’assurance et, sur ce fondement, rejette la demande en condamnation du locataire et de son assureur au titre de la perte de loyer du local sinistré sur une durée de huit ans.
Cette décision est censurée ; le principe est donc clairement énoncé : le locataire présumé responsable de l’incendie, tenu d’indemniser le bailleur pour la perte de ses loyers jusqu’à la reconstruction de l’immeuble même si le bail s’est trouvé résilié du fait du sinistre total, doit donc non seulement indemniser le bailleur pour la reconstruction de l’immeuble, mais également l’indemniser de la perte de loyer subie pendant le temps nécessaire à la reconstruction et à la relocation.
Soulignons que la haute juridiction avait déjà énoncé les solutions suivantes :
– lorsque la perte totale est la conséquence d’une faute du locataire, le bail étant résilié de plein droit et le contrat n’ayant plus d’objet, le bailleur qui ne peut pas réclamer le paiement des loyers postérieurs à la perte, peut en revanche obtenir des dommages et intérêts (Cass. 3ème civ. 4 avril 2001, n° 99- 12.322)
– indépendamment de l’indemnisation au titre de la reconstruction, il y a lieu à indemnisation de la perte de loyer subi par le bailleur pendant le temps nécessaire à ladite reconstruction et à la relocation (Cass. 1ère civ. 15 octobre 1958, bulletin civil 31 n° 431).
L’arrêt commenté confirme donc la solution selon laquelle le fait que le bail ait été résilié de plein droit à la date du sinistre ne soustrait pas le preneur à son obligation de réparer l’entier dommage causé par l’incendie et d’indemniser le bailleur de la perte des loyers jusqu’à la reconstruction de l’immeuble, (Cf. Cass. 3ème civ. 11 juillet 2019, n° 18-15.424).