L’article 169 de la loi PACTE du 22 mai 2019 consacre la prise en compte, d’une part, du concept d’ « intérêt social » et, d’autre part, des « enjeux sociaux et environnementaux » dans l’activité des sociétés.
La mesure en question, très controversée, a consisté à ajouter à l’article 1833 du Code civil, qui prévoyait jusqu’à présent que « [t]oute société doit avoir un objet licite et être constituée dans l’intérêt commun des associés », un deuxième alinéa ainsi rédigé :
« La société est gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité ».
La notion d’intérêt social, ainsi consacrée, n’est en revanche pas définie, car comme l’indiquait l’exposé des motifs du projet, « la pertinence de son application pratique repose sur sa grande souplesse, ce qui la rend rétive à tout enfermement dans des critères préétablis. Les éléments nécessaires pour déterminer si une décision est ou non contraire à l’intérêt social dépendent en effet trop étroitement des caractéristiques, protéiformes et changeantes, de l’activité et de l’environnement de chaque société ». De l’exposé des motifs, il ressort également que la consécration de la notion d’intérêt social reflèterait l’idée que les sociétés « ne sont pas gérées dans l’intérêt de personnes particulières, mais dans leur intérêt autonome et dans la poursuite des fins qui lui sont propres ».
S’agissant de l’appréhension des « enjeux sociaux et environnementaux » dans la prise de décision des sociétés, le texte nouveau ne contient aucune indication sur ses modalités.
Tout ceci explique que les conséquences pratiques de la modification de l’article 1833 restent encore très incertaines, et la doctrine s’est généralement montrée perplexe, si ce n’est hostile, à cette insertion (V. notamment D. Schmidt, « La société et l’entreprise », D. 2017. 2380), faisant en particulier valoir le risque de contentieux que le texte nouveau serait susceptible de générer (V. A. Tadros, « Regard critique sur l’intérêt social et la raison d’être de la société dans le projet de loi PACTE », D. 2018. 1765 ; A. Lienhard, « Loi PACTE : consécration de l’intérêt social et des enjeux sociaux et environnementaux », Dalloz Actualité, 16 avril 2019). Il conviendra de suivre de près l’application que feront les juridictions du texte nouveau.
Ce qui semble en revanche d’ores et déjà établi, c’est que le non-respect de cette nouvelle disposition ne pourra constituer une cause de nullité de la société, dans la mesure où l’article 1844-10, alinéa 3 du Code civil, dans sa rédaction issue de la loi PACTE (art. 169), exclut le dernier alinéa de l’article 1833 de la liste des dispositions dont la violation peut entraîner la nullité de la société. En revanche, l’alinéa 2 de l’article 1833 nouveau constituerait, selon l’analyse de plusieurs commentateurs, une disposition impérative, de sorte que toute décision sociale prise en violation de ce texte pourrait être annulée sur le fondement de l’article 1844-10, al. 3, du Code civil. (V. A. Lienhard, art. préc.).