Les prémices du cadre juridique relatif aux installations agrivoltaïques et aux installations photovoltaïques aux sols prévues par l’article 54 de la loi n° 2023-175 du 10 mars 2023 relative à l’accélération de la production d’énergies renouvelables (dite EnR) ont été complétées par le décret n° 2024-318 du 8 avril 2024. L’article 54 créé une nouvelle section dans le Code de l’urbanisme intitulée « Installations de production d’énergie photovoltaïque sur des terrains agricoles, naturels et forestiers » laquelle distingue dans deux sous-sections les installations agrivoltaïques (L. 111-27 à L. 111-28 du Code de l’urbanisme) et les installations compatibles avec l’exercice d’une activité agricole (L. 111-29 à L. 111-30 du Code de l’urbanisme).
Concernant les installations agrivoltaïques, une sous-distinction est faite entre celles nécessaires à l’exploitation agricole visant les modules qui sont sur des parcelles agricoles et celles installées sur des serres, hangars et ombrières à usage agricole correspondant à une nécessité liée à l’exercice effectif d’une activité agricole, pastorale ou forestière significative.
S’agissant de celles visant les modules sur des parcelles agricoles, elles bénéficient d’une définition établie à l’article L. 314-36 du Code de l’énergie. Une installation agrivoltaïque est une installation de production d’électricité utilisant l’énergie radiative du soleil et dont les modules sont situés sur une parcelle agricole où ils contribuent durablement à l’installation, au maintien ou au développement d’une production agricole.
De même, une installation sera considérée comme agrivoltaïque lorsqu’elle apporte directement à la parcelle agricole au moins l’un des services suivants, en garantissant à un agriculteur actif ou à une exploitation agricole à vocation pédagogique une production agricole significative et un revenu durable en étant issu :
- l’amélioration du potentiel et de l’impact agronomiques ;
- l’adaptation au changement climatique ;
- la protection contre les aléas ;
- l’amélioration du bien-être animal.
En plus de définir ce qu’est une installation agrivoltaïque, le texte précise aussi celles qui ne peuvent l’être, c’est-à-dire celles qui portent une atteinte substantielle à l’un des services susmentionnés ou une atteinte limitée à deux de ces services.
Ces éléments flous, particulièrement concernant l’appréciation des services rendus à la parcelle, étaient en attente de précisions. C’est chose faite avec la publication du décret n° 2024-318 du 8 avril 2024 qui a pour objet de créer un cadre juridique pour les projets agrivoltaïques et le développement d’installations photovoltaïques sur des terrains agricoles, naturels et forestiers.
Dans le Code de l’énergie, le décret inscrit pour les installations agrivoltaïques les conditions relatives au caractère agricole des parcelles, aux exploitants et aux services apportés par l’installation, ainsi que celles relatives à la production agricole, au revenu issu de cette production et celles relatives à l’activité. Pour chacun des services visés à l’article L. 314-36 du Code de l’énergie, le décret en précise les modalités d’appréciation.
En outre, diverses définitions sont énoncées comme celle de la production agricole significative qui sera considérée comme telle si la moyenne du rendement par hectare observé sur la parcelle est supérieure à 90% de la moyenne du rendement par hectare observé sur une zone témoin ou un référentiel en faisant office (R. 314-114 Code de l’énergie).
Le décret précise également les conditions pour que la production agricole soit considérée comme l’activité principale (R. 314-118 du Code de l’énergie) :
- la superficie qui n’est plus exploitable du fait de l’installation agrivoltaïque ne doit pas excéder 10% de la superficie totale couverte par l’installation agrivoltaïque ;
- la hauteur de l’installation agrivoltaïque ainsi que l’espacement inter-rangées doivent permettre une exploitation normale et d’assurer notamment la circulation, la sécurité physique et l’abri des animaux, ainsi que, si les parcelles sont mécanisables le passage des engins agricoles.
Concernant les installations compatibles avec l’exercice d’une activité agricole – selon les apports de l’article 54 de la loi EnR dont les dispositions sont codifiées dans le Code de l’urbanisme, aucun ouvrage de production d’électricité à partir de l’énergie solaire, hors installations agrivoltaïques au sens de l’article L. 314-36 du Code de l’énergie ne peut être implanté en dehors des surfaces identifiées dans un document cadre.
Il s’agit de l’apport majeur de la loi EnR concernant le photovoltaïque au sol ; un document cadre sera pris par arrêté préfectoral après consultation de la CDPENAF entre autres. Il définit les surfaces agricoles et forestières ouvertes à un projet d’installation mentionné aux articles L. 111-29 et L. 111-30 du Code de l’urbanisme et les conditions d’implantation dans ces surfaces. Seuls peuvent être identifiés au sein de ces surfaces des sols réputés incultes ou non exploités depuis une durée minimale.
Ces dispositions étaient également dans l’attente d’éclairages, lesquels ont été apportés par le décret qui a défini la notion de « sol à vocation naturelle, agricole, pastorale ou forestière réputé inculte ». Un sol est réputé inculte lorsqu’il est satisfait à l’une des conditions suivantes (R. 111-56 Code de l’urbanisme) :
- l’exploitation agricole ou pastorale y est impossible au regard du territoire environnant en raison de ses caractéristiques topographiques, pédologiques et climatiques ou à la suite d’une décision administrative. Cette appréciation peut notamment se fonder sur un indice pédologique départemental ;
- il n’entre dans aucune des catégories de forêts définies par arrêté des ministres chargés des forêts, de l’environnement et de l’énergie, comme présentant de forts enjeux de stock de carbone, de production sylvicole ou d’enjeux patrimoniaux sur le plan de la biodiversité et des paysages.
De même, la durée minimale de « non-exploitation » des surfaces pouvant être ouvertes à des projets photovoltaïques au sol a également été fixée à 10 ans.
Selon le nouvel article R. 111-58 du Code de l’urbanisme, sont ouverts à un projet d’installation photovoltaïque au sol et sont inclus dans le document cadre précité les surfaces qui répondent à l’une des caractéristiques listées dans cet article, notamment, l’hypothèse où les surfaces sont situées en zone agricole, non exploitées et situées à moins de cent mètres d’un bâtiment d’une exploitation agricole ; le site est un site pollué ou une friche industrielle, le site est une ancienne mine, etc.
Concernant le régime des autorisations d’urbanisme relatives aux projets d’ouvrages de production d’électricité à partir de l’énergie solaire sur des espaces naturels, agricoles et forestiers, là aussi le décret en clarifie le régime. Il prévoit également des dispositions concernant la durée d’autorisation, le démantèlement et la remise en état après exploitation. Ainsi, à titre d’exemple, les installations agrivoltaïques ne pourront être autorisées que pour une durée maximale de 40 ans (R. 111-62 du Code de l’urbanisme).
Enfin, sont prévus des mécanismes de contrôles et de sanctions insérés dans le Code de l’énergie (R. 314-120 à R. 314-123) et dans le Code de l’urbanisme (R. 463-1 à R. 463-4).
Les nombreuses dispositions du décret du 8 avril 2024 s’appliquent :
- aux installations dont la demande de permis ou la déclaration préalable porte sur une installation agrivoltaïque et est déposée à compter d’un mois après la date de publication du présent décret, soit à compter du 9 mai 2024 ;
- aux installations photovoltaïques sur des terrains à vocation agricole, pastorale ou forestière dont la demande de permis ou la déclaration préalable porte sur une installation photovoltaïque régie par l’article L. 111-29 du Code de l’urbanisme et est déposée à compter d’un mois après la publication du document-cadre départemental mentionnée au même article L. 111-29.
Les chambres départementales d’agriculture disposent d’un délai de neuf mois à partir de la publication du présent décret – soit jusqu’à janvier 2025 – pour transmettre au représentant de l’État dans le département leur proposition de document-cadre.
Malgré une longue liste d’articles ajoutés au Code de l’énergie et au Code de l’urbanisme, des zones d’ombre subsistent notamment concernant les aspects contractuels ; c’est d’ailleurs dans ce cadre que la FNSEA propose la création d’un bail rural à clause agrivoltaïque (BRCA). Rien n’est prévu non plus concernant le partage de la valeur créée. La notice du décret précise que des dispositions législatives viendront préciser ces modalités. Affaire à suivre.
Décret n° 2024-318 du 8 avril 2024 relatif au développement de l’agrivoltaïsme et aux conditions d’implantation des installations photovoltaïques sur des terrains agricoles naturels et forestiers, JO 9 avril 2024