Le propriétaire d’un immeuble qu’il a donné à bail d’habitation délivre à ses locataires un commandement de payer un arriéré de loyers, visant la clause résolutoire insérée au bail, puis assigne ceux-ci en résiliation du bail. Le 28 octobre 2021, la Cour d’appel d’Aix-en-Provence le déboute de sa demande en résiliation du bail et de paiement d’un arriéré locatif. Par son arrêt du 6 avril 2023, la troisième chambre civile de la Cour de cassation rejette le pourvoi et affirme que les juges d’appel ont pu retenir la validité d’un bail consenti contre entretien d’une propriété : « Sous couvert d'un grief non fondé de dénaturation par omission, le moyen ne tend qu'à remettre en discussion l'appréciation souveraine de la cour d'appel qui a retenu qu'il était établi que, conformément au bail conclu le 1er juin 2016, et en l'absence de versements accomplis depuis lors au titre des loyers, les parties étaient convenues qu'aucun loyer n'était dû à compter de cette date, à charge pour les locataires d'entretenir l'ensemble de la propriété dont le bailleur conservait pour partie la jouissance. »
De longue date, il est admis que le « prix » du contrat de louage que le locataire paie au bailleur, et qui caractérise, aux termes même de l’article 1709 du Code civil, le « contrat de louage », ne consiste pas nécessairement en une somme d’argent mais peut être versé en nature.
Ainsi, dans un cas où une société avait mis à disposition un immeuble, dans lequel les locataires avaient opéré d’importants travaux de rénovation, dès la mise à disposition du bien, il a pu être valablement retenu que l’occupation avait été consentie en contrepartie de l’exécution de travaux importants et que le loyer avait été payé en nature par l’exécution desdits travaux ayant permis de transformer une ruine en logement habitable. (Cass. 3ème civ. 14 janvier 2004 n° 01-12.510).
Le droit rural fournit aussi de nombreuses jurisprudences dans lesquels le caractère onéreux d’un contrat comportant mise à disposition d’un immeuble à usage agricole a été retenu comme entraînant soumission au statut du fermage (art. 411-1 C. rur.) en présence d’une contrepartie autre que le versement d’une somme d’argent.
L’on se doit d’observer que la pérennité d’une telle solution risque d’être fortement remise en cause par la réforme du droit des contrats spéciaux. En effet, en l’état, il est prévu de modifier la définition du louage comme suit : « Le loyer consiste en une somme d’argent. Il peut être complété par la fourniture d’un bien ou d’un service. En ces cas, les règles prescrites en matière de vente ou d’entreprise s’appliquent en tant que de raison. »
Dès lors, si la réforme venait à être adoptée en ces termes, la seule fourniture d’une prestation de service ne pourra valablement constituer ni l’élément exclusif de la contrepartie onéreuse, ni l’élément principal de cette dernière.
Cass. 3ème civ. 6 avril 2023, n° 22-11.343