Conformément au droit commun du louage, le locataire commercial doit user de la chose louée raisonnablement (art. 1728 du Code civil). Dans le cas contraire, le bailleur peut faire résilier le bail selon les règles de droit commun (art. 1729 et art. 1224 et s. du Code civil) et conformément aux règles spécifiques aux baux commerciaux statutaires (art. L. 145-41 du Code de commerce). Un arrêt de la troisième chambre civile de la Cour de cassation en date du 8 juin 2023, non publié au bulletin, illustre à nouveau la problématique de la mise en jeu de la clause résolutoire en cas de manquement non expressément visé par ladite clause.
Dans l’affaire considérée, la bailleresse avait, d’une part, délivré un commandement de payer les loyers et charges visant la clause résolutoire insérée au bail, et d’autre part, fait sommation à la locataire d’occuper les locaux loués dans la limite contractuelle indiquée au bail, et de libérer en conséquence sans délai les surfaces excédantes celles louées.
La bailleresse avait sollicité par la suite le bénéfice de la clause résolutoire.
Refusée par le Tribunal de grande instance de Pointe-à-Pitre, l’application de la clause résolutoire est accueillie par la Cour d’appel de Basse-Terre, au motif qu’il est constaté que la locataire occupe de manière illicite des surfaces excédant celles louées et identifiées par le contrat de bail, en violation des dispositions contractuelles (CA Basse-Terre 19 avril 2021, n° 18/01204, infirmant TGI Pointe-à-Pitre du 21 juin 2018) ; la juridiction constate la résiliation de plein droit du bail pour occupation illicite de surfaces excédant l’assiette contractuelle des lieux, condamne la locataire au paiement d’indemnités d’occupation et ordonne son expulsion.
Le moyen développé dans le cadre du pourvoi en cassation relève que la résiliation de plein droit d’un bail commercial par application de la clause résolutoire implique un manquement aux obligations expressément visées dans le bail.
La Haute juridiction relève que la clause résolutoire considérée stipulait que le bail serait résilié de plein droit à défaut d’exécution d’une seule des charges et conditions du bail. Elle relève que la cour d’appel a déduit de la clause que la bailleresse pouvait demander de voir constater la résiliation de plein droit du bail pour occupation illicite de surfaces excédant le champ contractuel, alors qu’au contraire la résiliation de plein droit du bail peut seulement sanctionner un manquement pour lequel la mise en œuvre de la clause résolutoire est prévue ; elle constate que, ce faisant, la cour d’appel a violé l’article L. 145-41 du Code de commerce.
Cet arrêt s’inscrit fidèlement dans la jurisprudence bien établie de la Haute juridiction en faveur d’une interprétation restrictive de la clause résolutoire des baux commerciaux, dont l’appréciation relève du pouvoir souverain des juges du fond (Cass. 3ème civ. 8 janvier 1985, n° 83-15.132 ; Cass. 3eme civ. 15 septembre 2010, n° 09-10.339).
Plus particulièrement, de jurisprudence constante, la clause résolutoire ne peut pas être invoquée en raison de l’occupation par le locataire de lieux non compris dans la location (V. par ex. : Cass. 3eme civ. 3 juillet 1984 n° 83-11.501 ; Cass. 3eme civ. 15 septembre 2010 n° 09-10.339).