Pour intenter valablement un recours contre un permis de construire, il ne suffit pas d’hériter du propriétaire de l’immeuble affecté par les travaux projetés, encore faut-il avoir un intérêt à agir, conformément aux dispositions des articles L. 600-1-2 et L. 600-1-3 du Code de l’urbanisme.
Le Conseil d’État a été amené à se prononcer sur le sujet à la suite des faits suivants : des travaux d’extension d’une maison ont été autorisés suivant un arrêté de permis de construire obtenu en 2016, affiché dans la foulée en mairie, et seulement en août 2019 sur le terrain. Le pavillon voisin était impacté par ce projet, puisque l’extension envisagée aurait obstrué la vue sur mer dont il bénéficiait jusqu’alors. L’usufruitière du pavillon étant décédée en janvier 2019, un recours en annulation du permis de construire a été exercé par sa fille.
Le Tribunal administratif a fait droit à sa demande en application des dispositions de l’article 724 du Code civil, aux termes duquel « Les héritiers désignés par la loi sont saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt ». En effet, la mère, usufruitière du pavillon impacté à la date de l’affichage de la demande du permis en mairie, aurait eu intérêt pour agir en annulation. Le juge de première instance, dont la décision a ensuite été confirmée en appel, a considéré que la requérante, fille de l’usufruitière, justifiait d’un intérêt pour contester le permis incriminé, du simple fait de sa qualité d’héritière d’une personne ayant intérêt à agir, et a donc annulé le permis.
Le pétitionnaire du permis s’est pourvu en cassation.
Le Conseil d’État a pointé une erreur de droit des juges du fond, car l’intérêt pour agir contre un permis de construire ne doit être apprécié qu’au regard des articles L. 600-1-2 et L. 600-1-3 du Code de l’urbanisme. Exception faite de l’État, des collectivités territoriales, de leurs groupements ou des associations, le requérant doit pouvoir justifier, au jour de l’affichage en mairie de la demande de permis dont il demande l’annulation :
- soit qu’il détient ou occupe régulièrement l’immeuble impacté par le projet,
- soit qu’il bénéficie sur cet immeuble d’une promesse de vente, de bail, ou d’un contrat préliminaire mentionné à l’article L. 261-15 du Code de la construction et de l’habitation.
En l’occurrence, le recours contre le permis a été intenté par une personne qui, à la date d’affichage en mairie de la demande de permis, n’était plus nue-propriétaire de l’immeuble, pour avoir cédé ses droits à ses enfants en 2012, et n’était ni propriétaire, ni occupant régulier du pavillon, ni bénéficiaire d’une quelconque promesse le concernant. La requérante n’avait plus aucun droit sur l’immeuble impacté par le permis de construire. Le fait d’hériter de sa mère qui, elle, disposait bien d’un intérêt à agir, était insuffisant pour pallier ce défaut.
Par conséquent, le Conseil d’État a considéré que la fille de l’usufruitière ne justifiait pas d’un intérêt à agir et a réglé l’affaire au fond en annulant le jugement de première instance et l’arrêt d’appel.
Par cette décision, la Haute Juridiction a recadré la notion d’intérêt à agir contre les autorisations de construire par une stricte application des dispositions du Code de l’urbanisme, en écartant les dispositions de l’article 724 du Code civil.