Une ordonnance du TA de Pau montre combien la réglementation de l’usage qui était seulement parisienne il y a encore peu de temps est en train de devenir au niveau national une manière de réguler dans les zones touristiques la location meublée touristique.
La réglementation de l’usage fixée aux articles L. 631-7 et suivants du Code de la construction et de l’habitation est applicable aux communes de plus de 200 000 habitants et à celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne. Toutefois, l’article L. 631-9 prévoit que dans les autres communes les dispositions dudit article peuvent être rendues applicables par décision de l’autorité administrative sur proposition du maire ou, pour les communes dont la liste est fixée par le décret mentionné au I de l’article 232 du Code général des impôts, par une délibération de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale compétent en matière de plan local d’urbanisme ou, à défaut, du conseil municipal.
La communauté d’agglomération Pays basque (CAPB) se saisit de cette faculté. L’objectif est de lutter contre l’accroissement des biens proposés à la location de courte durée aux touristes qui affluent, notamment sur le littoral basque, et à « rendre » ces logements aux personnes qui vivent et travaillent toute l’année sur le territoire. Par une première délibération du 5 mars 2022, l’organe délibérant approuve un règlement soumettant l’autorisation de changement d’usage de locaux d’habitation vers l’usage de meublés de tourisme à compensation.
Cette délibération est contestée devant le Tribunal administratif de Pau par des propriétaires exerçant l’activité de location de meublés de tourisme, ainsi que par des entreprises sous-traitantes de ces propriétaires (agences immobilières, « conciergeries »). Les requérants soutiennent, parmi d’autres arguments, que le marché local de l’immobilier ne permet pas de mettre en œuvre concrètement l’obligation de compensation.
Aux termes d’une ordonnance du 3 juin 2022, le juge des référés du Tribunal administratif de Pau suspend l’exécution de la délibération réglementant les changements d’usage, pour plusieurs motifs.
Il estime notamment que les requérants démontrent effectivement la grande difficulté, voire, dans certaines communes, l’impossibilité de transformer des bâtiments en habitation et, donc, de satisfaire à l’obligation de compensation.
Le Tribunal précise ensuite que « la communauté d’agglomération Pays basque ne saurait utilement faire valoir que la compensation pourra également se réaliser par des cessions de commercialité, dès lors que cette modalité ne figure pas en tant que telle dans le règlement approuvé ».
Par délibération du 9 juillet 2022, la CAPB délibère de nouveau pour tenir compte des remarques du juge des référés. L’article 3.1 du règlement prévoit désormais que la compensation peut prendre deux formes, dont « l’achat de droits dits de “commercialité” auprès de propriétaires souhaitant affecter à un usage d’habitation des locaux destinés à un autre usage. Il sera alors produit la convention de cession de commercialité ».
De nouveau saisi, le juge des référés lève, aux termes d’une ordonnance du 16 septembre 2022, la suspension prononcée le 3 juin 2022, considérant notamment que la mention de la possibilité de recourir à l’acquisition de droits de commercialité permet de ne plus voir en l’obligation de compensation une interdiction de fait d’exercer l’activité de location touristique de courte durée.
Ce jugement est fortement critiqué. Toutefois, cette affaire montre combien la réglementation de l’usage qui était seulement parisienne il y a encore peu de temps est en train de devenir au niveau national une manière de réguler dans les zones touristiques la location meublée touristique.
TA Pau, ord. réf., 3 juin 2022, n° 2200930, Association Union des loueurs de meublé de tourisme du Pays basque (ULMT 64)