La commercialisation des lots de lotissement donne lieu en pratique et de manière systématique à la conclusion de contrat sous condition suspensive d’obtention d’un permis de construire purgé de tout recours. Ainsi, lors de la délivrance du permis de construire, aucune division foncière n’est intervenue. La décision du Conseil d’État en date du 13 juin 2022, M. et Mme B « Société La Gariguette » est venue fragiliser cette pratique.
En effet, cet arrêt du Conseil d’État a fait naître des inquiétudes dues à la mention de sa décision aux Tables du recueil Lebon et au fichage dont elle a fait l’objet. Ce fichage semblait indiquer que le pétitionnaire d’un permis de construire déposé sur un lot de lotissement ne pouvait bénéficier de la cristallisation des règles d’urbanisme applicables en vertu de l’article L. 442-14 du Code de l’urbanisme en l’absence de tout transfert de propriété ou de jouissance intervenu lors du dépôt de sa demande de permis.
Il convient tout d’abord de rappeler le contexte particulier de la décision prise par la Haute juridiction.
Il s’agissait d’une décision d’espèce qui a été prise dans l’objectif de contrer d’éventuelles fraudes à la règle de l’article L. 442-14 du Code de l’urbanisme concernant la cristallisation des règles d’urbanisme.
En effet, la société La Gariguette, propriétaire d’un terrain accueillant une maison, avait déposé une déclaration préalable de division de la parcelle en deux lots, en vue de construire sur l’un d’eux.
Celle-ci est restée propriétaire de la nouvelle parcelle et n’avait pas l’intention de l’aliéner puisque son projet était de louer la future construction dans le cadre d’une location saisonnière. Ainsi, les dispositions de l’article L. 442-14 du Code de l’urbanisme ne pouvait s’appliquer en l’espèce lors de la délivrance du permis de construire, le lotissement n’étant pas constitué du fait de l’intention de conserver la propriété de l’ensemble de la parcelle par la société.
À la suite de cette décision, la doctrine a surinterprété et élargi la portée de cet arrêt en considérant que la division de l’unité foncière devait intervenir avant le permis par le transfert de propriété ou de jouissance de la parcelle divisée.
Elle précisait qu’en l’absence de mise en œuvre de l’autorisation de lotissement, le pétitionnaire n’entrait pas dans le champ d’application du lotissement et ainsi ne pouvait prétendre à l’application de la cristallisation des règles d’urbanisme en découlant.
L’application élargie de cette solution ne permettait plus de bénéficier des dispositions de l’article L. 442-14 du Code de l’urbanisme dans l’hypothèse de l’exécution d’une déclaration préalable de lotissement sans une vente effective du lot avant l’obtention du permis de construire.
L’interprétation extensive qui a été faite de cet arrêt, alors que dans la pratique la commercialisation des lots de lotissement donne lieu de manière systématique à la conclusion de contrat sous condition suspensive d’obtention d’un permis de construire purgé de tout recours, a poussé la Haute juridiction à revoir le fichage de son arrêt.
Dans cette affaire, le Conseil d’État sanctionnait une situation proche de la fraude à la loi dans laquelle aucun lotissement ne pouvait être caractérisé en l’absence de toute division (même future) du lot objet de la demande de permis de construire dès lors que le bénéficiaire de la déclaration préalable entendait en conserver la propriété et l’affecter à de la location saisonnière.
Afin de lever toutes difficultés et de lui conférer sa réelle portée, une modification du fichage de la décision a finalement été effectuée et plusieurs mentions ont été supprimées.
Le Conseil d’État, par la modification du fichage, a souhaité clarifier la situation et réduire les inquiétudes. Il a supprimé un certain nombre de mentions, ce qui permet de démontrer qu’il ne s’agit pas d’une décision ayant une portée générale mais d’une décision d’espèce prise au regard d’une situation particulière (l’intention du propriétaire de conserver la propriété de l’ensemble de la parcelle dans cette décision).
Conseil d’État 13 juin 2022, M. et Mme B « Société La Gariguette », n° 452457
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