Bien que le mécanisme de la garantie autonome présente de nombreux intérêts, sa mise en œuvre peut parfois susciter quelques questionnements. C’est dans ce contexte que s’inscrit l’arrêt de la Chambre commerciale de la Cour de cassation du 21 septembre 2022.
En l’espèce, dans le cadre d’un appel d’offres, une société française devait fournir à la fois une garantie autonome et des cautionnements et sollicita une banque à cet effet. Celle-ci accepta de se porter garante, mais n’informa de son refus d’octroyer les cautionnements que dans un délai incompatible avec le calendrier de l’opération, ce qui engendra le paiement par la société de sommes à l’organisateur de l’appel d’offres. La garantie autonome ayant été appelée, la banque se retourna contre la société pour obtenir le remboursement des sommes déboursées. C’est alors que cette dernière lui opposa son retard dans le refus des cautionnements et refusa de payer.
Cet arrêt soulève donc une question importante : le comportement du garant peut-il priver celui-ci de son recours contre le donneur d’ordre ?
Interrogée, la Cour de cassation déboute le débiteur et casse l’arrêt rendu par la Cour d’appel de Douai qui avait répondu par l’affirmative en indiquant que le garant était « fondé à demander au donneur d’ordre le remboursement de ce qu’il a versé en application de son obligation autonome ».
Cet arrêt n’est pas sans rappeler une jurisprudence plus ancienne, rendue par la Chambre commerciale de la Cour de cassation le 19 décembre 2006, n° 05-13.461 selon laquelle la créance de recours du garant contre le donneur d’ordre naît « à la date à laquelle l’engagement à première demande autonome <a> été souscrit ». Ainsi, peu importent les agissements du garant après l’octroi de la garantie, il bénéficiera nécessairement d’une créance contre le donneur d’ordre en cas d’appel en paiement.
En d’autres termes, le recours en paiement du garant contre le donneur d’ordre s’apprécie uniquement au regard de la garantie et non de « leurs relations contractuelles », comme le souhaitait le donneur d’ordre. Le caractère autonome joue ainsi non seulement quant au contrat principal conclu entre le bénéficiaire et le donneur d’ordre, mais aussi plus largement, comme le précise l’arrêt commenté, quant à toute autre relation pouvant exister entre le garant et le donneur d’ordre.
Cet arrêt permet donc à nouveau de mettre en avant l’avantage d’une telle garantie, protégeant à la fois les créanciers et les garants grâce au caractère totalement autonome de cet engagement. Il insiste également en filigrane sur l’un des principes fondamentaux du droit des sûretés : le garant n’a jamais vocation à être tenu de la charge définitive de la dette.
Si le donneur d’ordre, contrairement au garant dans le cas évoqué à l’article 2321 alinéa 2 du Code civil, ne peut invoquer les agissements de son cocontractant pour se trouver délié de son obligation de remboursement, l’on soulignera toutefois que rien ne s’oppose ensuite à l’engagement d’une action en responsabilité contre le garant si le comportement de celui-ci, indépendamment de la mise en jeu de la garantie, était effectivement fautif et qu’un préjudice en était résulté pour le donneur d’ordre.
Cass. com. 21 septembre 2022 n° 21-11.065