Les récents jugements rendus par les tribunaux administratifs de Marseille et Lyon apportent des éclairages décisifs sur la définition de la notion d’« ensemble commercial » dans le cadre de l'aménagement commercial. Ces décisions, montrent que la simple proximité géographique entre magasins ne suffit pas à constituer un ensemble commercial au sens de l’article L. 752-3 du Code de commerce. L’enjeu est majeur : sans autorisation préalable d’exploitation, l’exploitation de magasins peut être jugée illicite, entraînant des sanctions administratives sévères, telles que la fermeture temporaire de l’établissement, jusqu’à sa régularisation.
Les recours déposés par l’association « En Toute Franchise » et les exploitants de magasins SUPER U ont conduit les tribunaux administratifs de Marseille et Lyon à se prononcer sur la qualification d’« ensemble commercial » pour des magasins voisins installés sans autorisation préalable. Ces décisions mettent en lumière les critères d’analyse complexes, souvent fondés sur des éléments factuels précis, nécessaires pour qualifier un ensemble commercial. Ces jugements rappellent également l’importance du contrôle de la régularité de l’exploitation commerciale, un enjeu clé à une époque où certaines enseignes tentent de contourner les règles en s’implantant sur des formats de magasins inférieurs à 1 000 m² de surface de vente, échappant ainsi à l’obligation d’autorisation préalable.
Dans la première affaire, l’action engagée par l’association, qui contestait l’implantation des enseignes « Grand Frais » et « Marie Blachère » à proximité de la zone commerciale de Plan-de-Campagne, a donné lieu à une décision en faveur de l’existence d’un ensemble commercial. Le tribunal marseillais a estimé que la zone, de par son organisation et son fonctionnement, constituait un même site. En particulier, la gestion commune et le marketing coordonné, illustrés par des publicités communes et des informations sur l’ouverture des magasins, ont été considérés comme des éléments suffisants pour justifier l’exigence d’une autorisation d’exploitation commerciale.
En revanche, le Tribunal administratif de Lyon a estimé, dans l’affaire opposant l’enseigne SUPER U aux magasins « Mondovélo » et « Sport 2000 », que ces deux magasins ne formaient pas un ensemble commercial. Bien que leur distance soit courte (environ 30 mètres), l’absence d’un aménagement permettant une circulation fluide entre les deux sites a été un critère décisif. Les clients devaient emprunter une route départementale et traverser des parkings d’autres enseignes pour accéder à l’un ou l’autre des magasins, rendant impossible un accès direct à pied. Cette configuration a permis d’exclure la qualification d’ensemble commercial.
Ces décisions mettent en évidence l’importance d’une analyse approfondie de la configuration des sites. La proximité, bien qu’indispensable, ne constitue pas à elle seule un critère suffisant : la facilité d’accès entre les établissements et la mise en place de services ou de pratiques commerciales communes jouent un rôle essentiel dans la qualification d’un ensemble commercial. Ces affaires soulignent également la complexité croissante de la définition de l’« ensemble commercial », une notion qui évolue constamment, notamment avec la réévaluation des zones commerciales existantes. À l’avenir, les juridictions administratives devront probablement trancher de plus en plus souvent sur cette question.
TA Marseille 6 mai 2024, n° 2009924, Assoc. En toute franchise du département des Bouches-du-Rhône
TA Lyon 10 décembre 2024, n° 2208981, Sté Chantemerle et Savigneux Distribution