Par une décision en date du 28 octobre 2025, le Conseil d’État rappelle que lors de l’instruction d’une demande de permis de construire, l’autorité administrative n’a pas à vérifier la validité des informations contenues dans l’attestation fournie par le pétitionnaire certifiant sa qualité à présenter sa demande et applique cette solution même lorsque le terrain d’assiette constitue d’une dépendance du domaine privé d’une personne publique.
En l’espèce, un maire délivre un permis de construire (suivi d’un permis modificatif) à un promoteur en vue de la réalisation d’un programme de construction sur un terrain appartenant à la commune et constituant une dépendance de son domaine privé. Des riverains contestent toutefois la validité de ces autorisations, arguant le défaut de qualité du pétitionnaire pour présenter sa demande.
Si l’article R* 423-1 du Code de l’urbanisme dispose que les demandes de permis de construire peuvent être déposées par une personne attestant être autorisées par le ou les propriétaires du terrain d’assiette du projet ou leur mandataire à exécuter les travaux, qu’en est-il lorsqu’une telle demande porte sur une dépendance du domaine privé d’une personne publique ? La nature du terrain d’assiette du projet appelle-t-elle des vérifications particulières par l’autorité compétente quant à la qualité du pétitionnaire ?
Par la présente décision, le Conseil d’État souligne la distinction entre droit de propriété et droit de construire rappelant que les demandes de permis de construire doivent seulement comporter, le cas échéant, l’attestation du pétitionnaire visée par les articles R* 423-1 et R* 431-5 du Code de l’urbanisme, sans qu’il n’appartienne à l’autorité compétente de vérifier, lors de l’instruction de la demande, la validité de celle-ci. Le pétitionnaire qui produit l’attestation envisagée par les articles susvisés doit donc « être regardé comme ayant qualité pour présenter sa demande ». Les tiers ne peuvent alors utilement invoquer, à l’appui d’un recours en annulation contre une autorisation de construire, le fait que le service instructeur n’ait pas vérifié la teneur de cette attestation.
Néanmoins, le Conseil d’État réaffirme les deux limites à ce principe (ces limites avaient déjà été posées par le Conseil d’État dans CE 23 mars 2015, M. et Mme L., n° 348261 puis repris dans CE Sect. 19 juin 2015, Commune de Salbris, n° 368667), à savoir, le cas de la fraude ou celui de l’absence manifeste de qualité du pétitionnaire à déposer sa demande. Dans ces hypothèses, l’autorité saisie d’une demande de permis de construire doit refuser sa délivrance pour défaut de qualité, dès lors qu’elle dispose d’éléments de nature à établir son caractère frauduleux ou révélant – sans que cela puisse donner lieu à une contestation sérieuse – que le pétitionnaire ne dispose d’aucun droit à la déposer, et ce sans investigation complémentaire.
Enfin, le Conseil d’État décide que le fait que le terrain appartienne au domaine privé d’une personne publique (en l’occurrence, à la commune dont la maire a délivré les autorisations litigieuses) est sans incidence sur les pièces à produire par le pétitionnaire (déjà jugé à deux reprises par les chambres jugeant seules : CE, 1ère ch. 9 avril 2014, M. Et Mme V… n° 364253 et CE, 2e ch. 29 avril 2024, Cne de Neuilly-Plaisance, n° 471911). L’absence de délibération du conseil municipal autorisant expressément ce dernier à déposer sa demande ne permet donc pas de considérer que l’autorité compétente disposait d’informations faisant apparaître – sans que cela puisse donner lieu à une contestation sérieuse – que le pétitionnaire ne disposait d’aucun droit à déposer sa demande, contrairement à ce qu’avaient estimé les juges du fond.