Le présent arrêt permet de rappeler que le bailleur doit, en vertu de son obligation de délivrance, être attentif à la conformité administrative des locaux loués.
En 2009, un bail commercial est conclu sur un local édifié sans permis de construire. En 2012, le locataire assigne les bailleurs en sollicitant principalement la résolution du bail à leurs torts exclusifs pour manquement à leur obligation de délivrance.
La cour d’appel déboute le locataire au motif que, depuis la signature du bail, il exploite le local conformément à sa destination et que l’absence de régularité de la situation administrative du local n’a pas d’incidence directe sur l’exploitation quotidienne du fonds de commerce.
La Cour de cassation casse l’arrêt d’appel au visa de l’article 1719 du Code civil, au motif que les juges du fond n’ont pas tiré les conséquences légales de leurs propres constatations. En effet, ces derniers avaient relevé que le défaut du permis de construire affectant le local, dont les bailleurs ne démontraient pas qu’il puisse être régularisé, était source de troubles d’exploitation : difficultés pour assurer les lieux, fortes restrictions quant aux capacités de développement du commerce, limitation drastique de la capacité du preneur à vendre son fonds du fait du risque de perte de local d’exploitation en cas d’injonction administrative de démolir.
Rappelons, en premier lieu, que la reconstruction à l’identique d’un bâtiment régulièrement édifié, détruit ou démoli depuis moins de 10 ans, est autorisée nonobstant toute disposition d’urbanisme contraire, sauf si le plan local d’urbanisme, la carte communale ou le plan de prévention des risques naturels prévisibles en dispose autrement (art. L. 111-15 C. urb.). Cela suppose donc que le bien ait été édifié avec et conformément aux autorisations d’urbanismes requises.
A défaut d’une telle régularité, et comme semble l’illustrer le cas de l’espèce, les assureurs ne pourraient utilement assurer un bien dont la reconstruction serait impossible. Sous cet angle, le preneur à bail d’un local construit illégalement est donc indubitablement exposé à un trouble de jouissance.
En second lieu, en présence de constructions érigées sans permis de construire, il est possible de solliciter un permis de « régularisation » qui, sans faire obstacle à l’application de sanctions pénales ou fiscales, fera obstacle au prononcé d’une mesure de démolition. L’obtention d’un tel permis suppose toutefois une conformité avec les règles d’urbanisme en vigueur à la date à laquelle il est délivré (et non pas à celles en vigueur lors de l’édification). Au cas d’espèce, les bailleurs ne démontraient pas le caractère régularisable de leur construction. Le preneur pouvait donc, sous réserve de prescription de l’action, craindre la démolition de son local.
Dès lors, si la construction est irrégulière et non régularisable, un bailleur s’expose, en raison de la violation de son obligation fondamentale de délivrance, à la résolution du bail qu’il consent sur ceux-ci.
Cass. 3ème civ. 1er juin 2022, n° 21-11.602