Comment gérer la rupture du couple pendant la période de l’état d’urgence ? L’étude Cheuvreux vous donne les clefs pour mieux comprendre et organiser la séparation du couple pendant le confinement.
La désunion des concubins
Napoléon disait « les concubins ignorent la loi, la loi ignore les concubins ».
En France, dans cet esprit, et puisque les concubins vivent en union libre, ils sont pareillement libres aujourd’hui de rompre leur relation de façon unilatérale ou bilatérale, sans la moindre formalité administrative ou judiciaire. Toutefois, la rupture entre les concubins peut entraîner des conséquences familiales et patrimoniales dont il faut prendre la mesure.
La désunion des co-pacsés
La sortie du PACS est souplement encadrée. La rupture du PACS peut résulter du décès d’un des partenaires, du mariage des intéressés ou encore d’un accord amiable ou d’une décision unilatérale.
* d’un commun accord :
Dans l’hypothèse d’un accord amiable, les partenaires remplissent une déclaration conjointe sur formulaire Cerfa 15789*02 et l’adressent soit à la mairie du lieu de l’enregistrement de leur PACS, soit par lettre recommandée au notaire qui a procédé à l’enregistrement du PACS, soit au consulat de France lorsque les co-pacsés avaient régularisé leur PACS à l’étranger dans un consulat. Les autorités compétentes enregistrent l’accord de dissolution et procèdent ensuite aux formalités de publicité.
* par la volonté d’un seul :
La fin du PACS peut être décidée par un des partenaires seulement, et sans accord de l’autre. La rupture unilatérale consiste en une signification de l’un à l’autre par acte d’huissier de justice. La copie de cette assignation est ensuite adressée à l’autorité compétente qui a procédé à l’enregistrement du PACS, mairie, notaire ou consulat selon la situation.
La désunion des époux
Pour les époux mariés, la désunion est davantage encadrée, le mariage répondant à la fois à un contrat pour les uns et une institution pour d’autres. En droit français, il existe plusieurs types de divorce.
Certains sont contentieux : le divorce pour faute, le divorce pour altération définitive du lien conjugal ou encore le divorce pour acceptation du principe de la rupture. Ils requièrent l’assistance d’un avocat et le divorce est prononcé par l’autorité judiciaire.
Le divorce peut également être régularisé par consentement mutuel au moyen d’une convention sous seing privé enregistrée chez un notaire après avoir été signée par chacun des époux et leurs avocats respectifs. La convention de divorce vient régler les aspects extrapatrimoniaux comme l’usage du nom des époux, la garde des enfants, la prestation compensatoire ou encore les aspects patrimoniaux relevant du partage des biens des époux.
La signature d’une telle convention est conditionnée par le respect d’un délai de réflexion préalable de 15 jours offert aux époux, lequel ne fait l’objet d’aucune suspension ou prorogation pendant la période juridiquement protégée édictée par l’ordonnance 2020-306 du 25 mars 2020.
Qu’elle intervienne de façon électronique ou sur papier, la signature de la convention sera toutefois tout de même reportée à l’issue du confinement, la loi imposant la présence physique des époux et de leurs avocats à cette occasion.
Quant aux délais de 7 jours pour la transmission de la convention de divorce au notaire aux fins de dépôt et de 15 jours pour déposer la convention au rang des minutes, ils ne sont pas non plus l’objet d’une quelconque suspension ou prorogation issue de l’ordonnance 2020-306 du 25 mars 2020.
Le dépôt au rang des minutes du notaire de cette convention, lui conférant date certaine et force exécutoire, ne nécessite pas obligatoirement la comparution des époux. Celle-ci est toutefois souvent exigée par le notaire pour lui permettre de constater que les époux ont toujours la volonté de divorcer par consentement mutuel. Pendant la crise sanitaire, une signature à distance par visio conférence avec chaque époux et leurs conseils peut être envisagée pendant le confinement.
Dans un contexte international, le divorce par consentement mutuel non judiciaire peut poser des difficultés d’exécution puisque la convention non rendue par un juge ne circule pas facilement, voire est inconnue dans certaines juridictions. Il est donc recommandé de rechercher l’intervention du juge afin de s’assurer de l’exécution du divorce en dehors de la France.
Bien se séparer, c’est aussi prendre des décisions d’ordre patrimonial : s’accorder sur la répartition du patrimoine commun constitué pendant la vie du couple pour sortir de l’indivision, ou, au contraire, rester en indivision mais en l’organisant.
* le Partage des biens :
Cet accord peut se concrétiser par l’établissement d’un acte de partage qui aura pour objet, dans un premier de temps, de liquider les intérêts patrimoniaux du couple et chiffrer les parts respectives de chacun, et, dans un second temps, de partager les biens entre eux pour sortir de l’indivision.
Les bons comptes font les bons amis… Liquider les intérêts patrimoniaux, c’est avant tout le temps d’établir une comptabilité des flux financiers ayant pu exister entre les différents patrimoines du couple – patrimoine commun ou indivis et patrimoines personnels respectifs de chacun – tels le financement par l’un de la construction d’une maison sur le terrain appartenant à l’autre, et en application des prévisions du contrat de mariage et/ou du PACS. Le but est de reconstituer réellement les patrimoines en prenant en compte les plus-values réalisées.
Ensuite, place aux attributions : les biens communs ou indivis sont donc affectés à l’un et/ou à l’autre. Au résultat du partage, il se peut qu’une compensation financière appelée « soulte » soit due par celui qui a reçu un lot supérieur à sa part…
Ainsi survient la question du financement de la soulte : le redevable dispose-t-il d’une couverture suffisante pour la financer ? A défaut, il devra recourir à un prêt bancaire qui passe par un crédit immobilier traditionnel, ce qui entraine une analyse et une vérification de ses comptes bancaires, de sa situation financière et donc de sa capacité d’endettement.
Lorsque le couple a financé l’acquisition d’un bien immobilier au moyen d’un prêt toujours en cours au jour de la séparation et du partage des biens, se pose la question de sa reprise par l’attributaire du bien immobilier c’est-à-dire la charge pour ce dernier de le rembourser seul selon les prévisions du contrat de prêt initial ou de son remboursement au moment du partage pour solder le passif. L’accord des copartageants n’est pas suffisant pour libérer définitivement celui qui n’est pas attributaire du bien, de ses obligations vis-à-vis du prêteur. Il n’a d’effet qu’entre les copartageants et n’est pas opposable à la banque. Pour être intégralement libéré du paiement de la dette, la banque doit formellement accepter de décharger le co-emprunteur solidaire de son engagement et de renoncer ainsi à toute poursuite contre celui-ci.
Le copartageant attributaire peut aussi faire le choix de souscrire un nouvel emprunt permettant de rembourser ce crédit en cours ; ce prêt dont il sera le seul débiteur pourra également inclure le financement de la soulte due à son copartageant. Le remboursement du prêt est ainsi constaté dans l’acte de partage et effectué par les soins du notaire au moyen des fonds empruntés par l’attributaire. Ce remboursement anticipé du prêt décharge ainsi le copartageant non attributaire du bien.
* Convention d’indivision – régime temporaire :
Les époux, partenaires ou concubins, peuvent aussi préférer demeurer dans l’indivision, de manière temporaire, si cette situation leur permet de mieux préserver leurs intérêts. Le maintien d’un bien immobilier en indivision peut en effet constituer une vraie alternative à un partage.
Elle est souvent envisagée dans l’attente de la signature de la vente du bien envisagée à moyen terme ou bien pour conserver le cadre de vie des enfants.
Afin d’organiser ce maintien dans l’indivision, est alors régularisée une convention d’indivision prévoyant les règles régissant la jouissance, la gestion et le sort du bien immobilier à l’issue de la période envisagée. La jouissance du bien occupé par l’un des indivisaires peut être consentie à titre gratuit ou moyennant le paiement d’une indemnité d’occupation. La convention prévoit également la répartition des charges pesant sur le bien indivis qui se fait en principe à proportion des droits des parties dans le bien. Les indivisaires peuvent toutefois prévoir une répartition conventionnelle différente.
Le consentement unanime des coindivisaires est nécessaire pour vendre le bien indivis.
L’indivision est temporaire et organisée sur une durée maximum de 5 ans. Au-delà, elle peut être renouvelée sur décision unanime des coindivisaires. Ces derniers peuvent également y mettre fin ensemble.
Rédigée de manière précise, elle permet de prévenir le risque d’un éventuel contentieux ultérieur relatif au maintien dans l’indivision.
Sur le plan fiscal, tant que le bien immobilier commun ou indivis est maintenu dans l’indivision, le droit de partage (au taux de 2,50 %) n’est pas exigible.
Le coût fiscal de la désunion
La désunion du couple a de nombreuses incidences fiscales, dont les principales sont ici abordées.
* le partage des biens indivis :
La partage des biens détenus en indivision[1] par les ex-époux, ex-pacsés ou ex-concubins, est passible d’un « droit de partage » au taux de 2,5% (taux en vigueur à ce jour). Etant toutefois précisé que :
- Pour les ex-conjoints et ex-partenaires de PACS, ce droit est calculé sur la valeur du bien au moment du partage, que le partage donne lieu ou non à une soulte (cf. ci-dessus).
- Pour les ex-concubins, le coût fiscal peut être plus important si le partage est accompagné d’une soulte. Dans ce cas en effet, le droit de partage (2,5%) est dû sur la valeur d’actif net partagé (c’est-à-dire la valeur du bien partagé déduction faite de la soulte), et le montant de la soulte est passible des droits de vente[2]
Lorsque le partage est accompagné d’une soulte, celle-ci est en principe traitée comme un prix de vente, susceptible ainsi de dégager une plus-value imposable auprès du bénéficiaire de la soulte. Mais par exception, le partage d’une ancienne communauté ou indivision matrimoniale ou pascimoniale, est considéré comme une opération intercalaire : aucune plus-value n’est due lors du partage, mais, si l’attributaire du bien le revend ultérieurement, la plus-value éventuellement dégagée sera calculée en prenant pour prix de revient, non pas la valeur du bien lors du partage, mais sa valeur au jour de l’acquisition initiale qu’en avait fait le couple.* les prestations compensatoires (entre ex-époux):
La prestation compensatoire versée sous forme de rentes[3] est :
– fiscalement déductible des revenus de celui qui les verse
– et imposable à l’impôt sur le revenu pour celui qui la perçoit.
Notons enfin que, lorsque le débiteur de la prestation compensatoire est amené à régler cette prestation par la remise d’un bien personnel, en faveur de son ex-époux, une telle attribution est considérée comme une vente susceptible de dégager une plus-value imposable. Un impôt de plus-value sera alors éventuellement exigé auprès du débiteur de la prestation.
[1] Soit que les biens aient été acquis en indivision pendant leur union, soit que ces biens soient d’anciens biens communs pour les ex-époux mariés sous un régime de communauté.
[2] Au taux de 5,8% si le bien partagé est un bien immobilier ; 3% et 5% pour un fonds de commerce etc.
[3] ou sous la forme d’un capital si son paiement est échelonné sur plus de 12 mois.
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