Toute donation doit en principe être rapportée à la succession, quelle qu’en soit sa forme (donation ostensible, déguisée, don manuel). Le rapport permet de rétablir une forme d’égalité entre les héritiers. Des difficultés peuvent néanmoins apparaître à deux égards : Comment évaluer le montant du rapport lorsqu’une somme d’argent a été donnée puis remployée pour acquérir un bien ? Comment identifier la présence d’une donation déguisée rapportable ? La Cour de cassation, dans un arrêt en date du 6 novembre 2019, précise ces deux points.
En principe, lorsqu’une somme d’argent a été donnée, elle doit être rapportée à hauteur du nominal. Toutefois, la question se pose lorsqu’elle a servi à acquérir, en tout ou partie, un bien. C’est l’hypothèse de la subrogation. L’article 860-1 du Code civil (ancien article 869 du Code civil) prévoit dans ce cas, que le rapport est dû de la valeur de ce bien, à l’époque du partage, et dans son état au jour de son acquisition.
En l’espèce, le montant du rapport avait été fixé, à bon droit, par la Cour d’appel. Le donataire avait investi la somme donnée par son époux dans la constitution d’un portefeuille immobilier. Le montant à retenir pour le rapport était bien la valeur, au jour du partage, du portefeuille, dans son état au jour de son acquisition ; autrement dit, sans tenir compte des améliorations imputables au gratifié.
Par ailleurs, les époux avaient acquis indivisément un immeuble. Le bien avait été acquis en remploi de fonds provenant de la vente d’un bien immobilier, lui-même acquis intégralement par des deniers personnels du défunt.
Pour la Cour d’appel, l’épouse devait rapporter à la succession la moitié de la valeur de l’immeuble, dès lors qu’il s’agissait d’une donation déguisée, rapportable.
L’arrêt d’appel est cassé par la Haute Juridiction, au motif que l’intention libérale n’a pas été démontrée. En effet, l’intention libérale est déterminante pour qualifier l’opération de donation déguisée. A défaut, il ne peut y avoir rapport.
La Cour de cassation entérine ainsi sa jurisprudence sur l’évaluation du rapport et la caractérisation d’une donation déguisée (Civ. 1ère, 26 septembre 2012, n°11-10.960). A noter, qu’une telle solution a été retenue à plusieurs reprises s’agissant de la donation indirecte (Civ. 1ère, 18 janvier 2012, pourvoi n°11-12.863 ; Civ. 1ère, 18 janvier 2012, pourvoi n°09-72.542 ; CIv. 1ère, 18 janvier 2012, pourvoi n°10-27.325 ; Civ. 1ère, 18 janvier 2012, pourvoi n°10-25.685).