En 2019, deux permis de construire ont été délivrés par la mairie de Paris, pour la réalisation d’ensembles de bureaux, d’habitation, de commerces et d’une crèche sur des dalles recouvrant le boulevard périphérique à proximité de la Porte Maillot au bénéfice du groupement lauréat de l’appel à projets « Réinventer Paris » : le premier à la SNC Paris Ternes Villiers pour un projet dénommé « la Ville multistrates », le second à la SCCV Mille Arbres pour un projet dénommé « Mille arbres ».
En Juillet 2021, saisi de recours émanant d’associations de défense de l’environnement, le Tribunal administratif de Paris a annulé les deux permis de construire en raison du risque pour la salubrité publique lié à la pollution de l’air. Rejetant les appels de la Ville de Paris et des sociétés bénéficiaires des autorisations annulées, la Cour administrative d’appel confirme les deux jugements.
Ces contentieux ont donné l’occasion au juge administratif de se prononcer sur la portée des dispositions de l’article R. 111-2 du Code de l’urbanisme, aux termes duquel un projet « peut être refusé ou n’être accepté que sous réserve de l’observation de prescriptions spéciales s’il est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publique du fait de sa situation, de ses caractéristiques, de son importance ou de son implantation à proximité d’autres installations ».
A cet égard, le juge précise que « pour apprécier si les atteintes à la salubrité ou à la sécurité publique sont de nature à justifier un refus de permis de construire, l’autorité compétente doit tenir compte, le cas échant, des différents risques et nuisances, dont celles résultant de la pollution de l’air, auxquels serait exposée la construction projetée, ainsi que ses alentours, même s’ils ne sont pas directement liés entre eux, cette exigence s’imposant particulièrement dans le cas où la construction est destinée à l’habitation ». Partant, dès lors que l’addition de ces risques ou nuisances serait de nature à compromettre gravement les conditions et le cadre de vie des futurs occupants de la construction projetée, ainsi que des occupants du quartier, l’autorité compétente est fondée à refuser un permis de construire, y compris lorsqu’il existe plusieurs projets qui, pris séparément, ne seraient pas de nature à justifier ce refus.
En l’espèce, pour confirmer l’annulation des permis de construire, la Cour retient que le projet aura pour effet d’augmenter les concentrations de dioxyde d’azote ainsi que de benzène sur plusieurs points de mesure sur les lieux d’implantation des projets, lesquels sont déjà marqués par un niveau élevé de pollution de l’air pouvant dépasser les valeurs limites fixées par le Code de l’environnement (C. env., R. 221-1) ainsi que par les recommandations de l’Organisation mondiale de la santé pour la concentration de dioxyde d’azote et de particules fines. Plus précisément, la Cour a considéré que le déplacement des polluants issus de la circulation automobile à l’entrée et à la sortie des tunnels créés par les projets entraînera, entre autres, une augmentation de la concentration de dioxyde d’azote aux alentours, où sont situés des immeubles d’habitation, de bureaux ainsi que des établissements recevant du public.
Enfin, la Cour, se fondant notamment sur l’étude d’impact, souligne qu’aucune mesure de réduction n’est envisageable – à l’exception de l’installation de murs végétaux dont l’efficacité en termes d’atténuation de la pollution est incertaine – et que les solutions de dépollution présentées ne permettent pas de limiter suffisamment les risques d’atteinte à la salubrité publique.
CAA Paris 6 octobre 2022, n° SCCV Mille arbres Ville de Paris, n° 21PA04912, 21PA04923
CAA Paris 6 octobre 2022, SNC Paris Ternes Villiers et Ville de Paris, n° 21PA04905, 21PA04922