Le marché de l’immobilier de ces dernières années montre un engouement particulier pour les résidences services. Ces immeubles se caractérisent par la mise en commun d’espaces à l’échelle du logement (espaces communs privatifs) ou de l’immeuble (espaces communs collectifs), avec, le cas échéant, des fonctions nouvelles, parfois servicielles (ex. salle de sport, espaces de travail, salle pour l’accueil des enfants, etc.). La gestion de ces immeubles est généralement assurée par un institutionnel spécialisé en la matière, d’où la dénomination usuelle de « résidence gérée ».
Reconnaissance de la résidence gérée intermédiaire
La dynamique dans ce domaine se concentre actuellement dans le secteur libre, avec une offre premium, et dans le secteur social. La loi de Finances pour 2024 ouvre cependant des perspectives au développement de ces résidences gérées dans le cadre du régime du logement intermédiaire, en prévoyant l’extension du dispositif fiscal aux logements compris dans des résidence-services au sens de l’article L. 631-13 du Code de la construction et de l’habitation.
Les logements faisant partie d’une résidence-services, c’est-à-dire un ensemble d’habitations constitué de logements autonomes, avec des espaces communs, permettant aux occupants de profiter de services spécifiques non individualisables visés à l’article D. 631-27 du CCH, peuvent ainsi bénéficier :
- d’une TVA réduite à 10% à la livraison, lorsque les conditions fixées par l’article 279-0 bis A du Code général des impôts sont remplies (nature de l’opération, localisation, engagement de location, etc.), en ce compris une condition de location en exonération de TVA (c’est-à-dire sans services para-hôteliers) mais à l’exclusion de la condition de mixité sociale dont les résidences-services sont expressément exonérées ;
- et/ou d’un crédit d’impôt sur les sociétés (IS) à hauteur de la taxe foncière sur la propriété des immeubles bâtis (TFPB), et ce même si la location est soumise à la TVA (location meublée avec fourniture de services para-hôteliers).
Le régime ainsi mis en place permet le développement de deux modèles de résidence gérée intermédiaire :
- un premier avec des logements loués en exonération de TVA (sans services para-hôteliers), qui bénéficieront de la TVA réduite à 10% à la livraison et de l’exonération d’IS à hauteur de la TFPB,
- et un second avec des logements loués en TVA (logements meublés avec services para-hôteliers), qui bénéficieront uniquement de l’exonération d’IS à hauteur de la TFPB mais qui ouvriront droit à l’application de la TVA sur les loyers.
Décrets d’application
Des mesures réglementaires étaient attendues pour rendre le dispositif opérationnel. C’est l’objet de deux décrets parus cette année.
Tout d’abord, celui du 8 juillet 2024, qui fixe les plafonds de loyers mensuel pour les locations meublées en LLI : les plafonds de loyer de la location nue, auxquels s’ajoutent le prix mensuel de la location des meubles. Au titre des baux conclus en 2024, ce prix est égal à 50 euros toutes taxes comprises pour un logement de type studio ou T1 bis, augmenté de 14,60 euros toutes taxes comprises par pièce supplémentaire.
Ensuite, celui du 4 décembre 2024 qui traite plus spécifiquement de la résidence gérée intermédiaire : plafonds de loyers applicable à la location meublée avec majoration pour les résidences-services séniors, modalités de prise en compte des surfaces collectives, plafonnement spécifique du coefficient multiplicateur, et plafonnement de la part de la quittance relative aux services spécifiques non individualisables.
La rédaction du décret ouvre toutefois une interrogation quant à l’application de ces mesures tant à la location nue qu’à la location meublée. Et ce, alors même que l’article 279-0 bis A du CGI est ouvert et permet des résidences gérées louées nues ou meublées selon des plafonds de loyer à fixer par décret.
Or, le pouvoir réglementaire n’est intervenu à cet égard le 4 décembre 2024, et de façon spécifique, que pour la location meublée en résidence-services. Est-ce que cela signifie qu’un autre décret est nécessaire pour rendre la location nue envisageable en résidences-services LLI ? Nous ne le pensons pas.
En effet, l’application du dispositif fiscal à des logements compris dans la résidence-services et loués nus ne nous semble pas manifestement impossible, même en l’absence d’un décret spécifique, dès lors :
- d’une part, qu’il n’y a, selon nous, aucune raison que chacun des éléments composant la quittance globale du locataire en résidence-services soit différent en cas de location nue ou meublée, et plus précisément :
– la surface, avec des modalités de prise compte dans le loyer des espaces communs collectifs – ce que ne permet pas la définition de la surface utile – et privatifs à un logement en colocation ;
– coefficient multiplicateur, avec un plafonnement spécifique à 1,6 au lieu de 1,2 en logement locatif intermédiaire classique – ce qui permet ainsi de réaliser des petites typologies ;
– les services spécifiques non individualisables, avec le plafonnement de la part de la quittance relative à ces services en forfait mensuel toutes taxes comprises : à 100 € par contrat de bail, avec un traitement spécifique pour les résidences-services qui accueillent au moins 75 % de personnes âgées de 75 ans ou plus. Pour ces résidences, le plafond est porté à 120 €. Des plafonds supplémentaires sont par ailleurs admis pour certaines activités en résidence-services sénior.
- d’autre part, que le plafond de loyer est défini pour la location meublée en résidence-services à partir du plafond de loyer de la location nue, auquel s’ajoute le forfait meuble établi par le décret du 8 juillet 2024. Il est donc possible de déterminer, de ce seul fait, et même en l’absence de mention spécifique à cet égard, le plafond de loyer de la location nue, en tant que base commune à la location nue et meublée. Précisons, en outre, que le décret du 4 décembre 2024 instaure une possible majoration des plafonds de loyers mensuels pour les résidences-services qui accueillent au moins 75 % de personnes âgées de 75 ans ou plus : maximum 3,50 € au titre des baux conclus en 2024, dans la limite du plafond du coefficient multiplicateur de 1,6 prévu pour les résidences-services.
Aussi ne faudrait-il pas que la doctrine administrative, dans le BOFIP notamment, précise ainsi les conditions d’application du texte ?
Voici en tout cas un dispositif qui ne manquera pas d’intéresser l’ensemble des acteurs de l’immobilier, notamment les promoteurs, investisseurs institutionnels (qu’ils relèvent ou non du secteur du logement intermédiaire), et gestionnaires de ces résidences.
Raphaël Léonetti et Juliette Marion
Lab Cheuvreux