Les juges, s’appuyant sur une jurisprudence constante selon laquelle les clauses limitant la densité ou la nature des constructions ne relèvent pas de l’urbanisme mais de la vie contractuelle du lotissement, concluent que le cahier des charges constitue bien une stipulation contractuelle et n’est donc pas atteint de caducité, même en présence du PLU.
Des propriétaires de maisons dans un lotissement, créé par arrêté préfectoral du 20 août 1958 et composé de 47 lots, contestent la construction d’un immeuble de 9 logements. Ils invoquent la violation du cahier des charges de lotissement, approuvé le 9 octobre 1959, lequel interdit l’habitat collectif sur certains lots.
Les consorts saisissent le juge des référés pour obtenir la suspension des travaux, la démolition de l’immeuble, la remise en état du terrain, ainsi qu’une indemnisation pour trouble de jouissance et violation du cahier des charges. Déboutés, ils interjettent appel soutenant que, en tant que colotis, ils sont fondés à invoquer la méconnaissance du cahier des charges.
Ils avancent notamment que :
- Le cahier des charges n’est pas caduc et ne peut être modifié sans l’accord des colotis ;
- La construction d’un immeuble de neuf logements et d’activités est contraire aux stipulations dudit cahier, qui interdit l’habitation collective sur les lots 1 à 15, réservés à l’habitat individuel, contrairement aux lots 16 à 47 ;
- La violation de ces stipulations leur cause un préjudice.
A contrario, selon les constructeurs, le cahier des charges est devenu caduc en application de l’article L. 442-9 du Code de l’urbanisme, du fait de l’existence d’un plan local d’urbanisme ; de nombreux manquements au cahier des charges ont en outre été commis par les colotis, ce qui le priverait de toute portée normative.
La Cour d’appel rappelle, selon l’article L. 442-9 du Code de l’urbanisme, que les règles d’urbanisme contenues dans les cahiers des charges deviennent caduques dix ans après l’entrée en vigueur d’un document d’urbanisme couvrant le lotissement. Toutefois, elle distingue les prescriptions d’urbanisme des stipulations contractuelles entre colotis.
L’article 12 du cahier des charges, objet du litige, prévoit notamment que les constructions sur les lots 1 à 15 doivent être destinées à l’habitation individuelle ou à des commerces non industriels et non bruyants avec une seule construction par lot.
Les juges, s’appuyant sur une jurisprudence constante (Cass. 3ème civ. 7 janvier 2016, n° 14-24.445), selon laquelle les clauses limitant la densité ou la nature des constructions ne relèvent pas de l’urbanisme mais de la vie contractuelle du lotissement, concluent que l’article 12 constitue bien une stipulation contractuelle et n’est donc pas atteinte de caducité, même en présence du PLU.
Les consorts sont donc recevables à s’en prévaloir.
En outre, la Cour précise, au regard de l’article L. 231-1 du Code de la construction et de l’habitation, que la maison individuelle s’entend d’un immeuble ne comportant pas plus de deux logements destinés au même maître d’ouvrage.
Enfin, les constructeurs ne peuvent utilement soutenir la possibilité d’une révision au visa de l’article L. 442-10 du Code de l’urbanisme faute d’accord des colotis, ni sa mise en concordance avec le PLU au titre de l’article L. 442-11 du même code.
Les constructeurs, dont le chantier était à l’arrêt depuis plus d’un an sont condamnés à « la remise en état du terrain objet de ces autorisations et travaux dans un délai de quatre mois suivant la signification du présent arrêt ».
CA Grenoble 23 septembre 2025, n° 24/01834