La cristallisation des règles d’urbanisme au jour de la délivrance d’une autorisation de lotir semble à première vue limpide : le pétitionnaire, bénéficiaire d’un certificat de non-opposition à déclaration préalable de lotissement, daté de moins de cinq ans, a le droit de voir sa demande de permis de construire examinée au regard des dispositions d’urbanisme applicables à la date de ce certificat. Mais la question s’avère en réalité bien plus complexe car le code de l’urbanisme dispose qu’un lotissement n’est constitué qu’à partir du moment où le terrain a fait l’objet d’une division, en vue de créer un ou des lots destinés à être bâtis : la cristallisation des règles d’urbanisme peut-elle s’appliquer alors que l’autorisation de lotir a été certes obtenue, mais avant la création effective du lotissement ? Le Conseil d’État éclaircit ce point dans un arrêt du 18 juillet 2025.
Le 12 avril 2019, un particulier obtient un certificat de non-opposition suite à une déclaration préalable de lotissement sur un terrain.
Ayant déposé par ailleurs une demande de permis de construire un bâtiment sur ce terrain, il peut invoquer l’obtention d’un permis tacite à compter du 13 janvier 2021. Le 10 mars 2021, donc deux mois après l’obtention d’un permis tacite, le pétitionnaire vend un lot issu du terrain concerné.
La mairie oppose un refus de permis par arrêté du 22 janvier 2021, puis un retrait du permis tacite, par arrêté du 31 mars 2021, rectifié le 14 avril suivant, car le projet méconnaît certaines dispositions du règlement du plan local d’urbanisme, depuis leur modification intervenue entre l’obtention de l’autorisation de lotir et la demande de permis de construire. Le pétitionnaire demande au tribunal administratif l’annulation pour excès de pouvoir des arrêtés des 31 mars et 14 avril 2021. Ses demandes étant rejetées, le Conseil d’État est saisi, une première fois en 2024, puis une seconde fois en 2025.
Pour considérer que les modifications des règles d’urbanisme ne peuvent être prises en compte dans le cadre de l’instruction de la demande de permis de construire, le pétitionnaire se fonde sur les dispositions du premier alinéa de l’article L. 442-14 du Code de l’urbanisme selon lequel « Lorsque le lotissement a fait l’objet d’une déclaration préalable, le permis de construire ne peut être refusé ou assorti de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d’urbanisme nouvelles intervenues depuis la date de non-opposition à la déclaration préalable, et ce pendant cinq ans à compter de cette même date ».
Toutefois, l’application de ce texte nécessite non seulement que le lotissement ait été autorisé, mais également qu’il existe ; or, celui-ci n’a été constitué qu’à compter de la vente du lot intervenue le 10 mars 2021, donc après la date d’obtention du permis de construire tacitement accordé. Par conséquent, la légalité du permis doit être appréciée à la date du permis de construire tacitement accordé, et non à la date du certificat de non-opposition à la déclaration préalable de lotissement. Or, la division n’avait pas encore eu lieu au moment de la délivrance du permis de construire.
Dans son arrêt du 18 juillet 2025, le Conseil d’État se prononce donc en faveur de la mairie, considérant que les règles d’urbanisme modifiées doivent pouvoir être opposées au pétitionnaire pour rejeter sa demande de permis de construire en l’absence de tout transfert de propriété ou de jouissance à la date du permis de construire tacitement accordé. La Haute Juridiction reste fidèle à ses décisions antérieures en la matière (CE 13 juin 2022, n°452457, et CE 18 octobre 2024, n° 473828).