L’article 6 de loi Le Meur concerne l’autorisation ou l’interdiction, aux termes du règlement de copropriété d’un immeuble soumis au régime de la copropriété, des locations de meublés de tourisme telles que définies au I du nouvel article L. 324-1-1 du Code du tourisme. Cet article concerne tant les copropriétés existantes que les copropriétés créées à compter de l’entrée en vigueur de la loi.
En ce qui concerne les copropriétés existantes
Jusqu’à présent, les règlements de copropriété pouvaient contenir des précisions quant à l’interdiction ou non des locations de lots de copropriété en tant que meublés de tourisme sous réserve de respecter les dispositions d’ordre public de la loi du 10 juillet 1965 savoir :
- L’article 8 aux termes duquel le règlement de copropriété ne peut imposer aucune restriction aux droits des copropriétaires en dehors de celles qui seraient justifiées par la destination de l’immeuble, telle qu’elle est définie aux actes, par ses caractères ou sa situation,
- L’article 9 aux termes duquel chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot ; il use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l’immeuble,
- Et l’article 26 qui précise que l’assemblée générale ne peut, à quelque majorité que ce soit, imposer à un copropriétaire une modification à la destination de ses parties privatives ou aux modalités de leur jouissance, telles qu’elles résultent du règlement de copropriété.
Lorsqu’aucune stipulation n’était prévue quant à l’interdiction de telles locations, il convenait de se référer à la destination de l’immeuble (présence ou non d’une clause d’habitation bourgeoise simple – autorisant l’exercice de professions libérales dans les lots d’habitation – ou exclusive – interdisant l’exercice de telles professions) et à la jurisprudence de la Cour de cassation fluctuante en la matière ; ce qui suscitait de nombreuses incertitudes.
Sur ce point, voir :
Cass., 3ème civ. 8 juin 2011, n° 10-15.891, publié au bulletin considérant que dans le cas d’un règlement de copropriété qui contenait une clause d’habitation bourgeoise « simple » et autorisait l’exercice de professions libérales dans les appartements, la location meublée de courte durée n’était pas contraire à la destination de l’immeuble ;
Cass., 3ème civ. 8 mars 2018, n° 14-15.864, non publié considérant à l’inverse qu’en présence d’une clause d’habitation bourgeoise simple qui autorisait un usage mixte professionnel-habitation à l’exclusion de toute activité commerciale, la location meublée de courte durée était contraire à la destination de l’immeuble.
En application de ce qui précède, une modification du règlement de copropriété visant à interdire expressément la location de meubles de tourisme nécessitait l’accord des copropriétaires des lots concernés.
La loi Le Meur modifie l’article 26 de la loi du 10 juillet 1965 en introduisant la possibilité de modifier le règlement de copropriété afin d’interdire sous certaines conditions une telle location lorsque rien n’est prévu dans le règlement de copropriété.
Pour mémoire, en copropriété, en application des articles 24 et suivants de la loi du 10 juillet 1965, les décisions qui relèvent de l’assemblée générale des copropriétaires sont prises à la majorité simple dite de l’article 24 (majorité des voix des copropriétaires présents, représentés ou ayant votés par correspondance) sauf si la décision objet de la résolution est visée aux articles 25 et 26 édictant une majorité plus stricte, savoir :
– la majorité de l’article 25 soit la majorité qualifiée (majorité des voix de l’ensemble des copropriétaires),
– la majorité de l’article 26 soit la double majorité (majorité des membres représentant les deux tiers des voix).
Le tout avec possibilité d’appliquer des passerelles de majorités (de la majorité de l’article 26 vers celle de l’article 25 ; de la majorité de l’article 25 vers celle de l’article 24) sous certaines conditions prévues aux articles 25-1 et 26-1 de loi du 10 juillet 1965.
La Loi Le Meur ajoute un cas de décision à la majorité de l’article 26 qui précise désormais ce qui suit :
Article 26 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 (modifié)
« Sont prises à la majorité des membres du syndicat représentant au moins les deux tiers des voix les décisions concernant :
(…)
d) La modification du règlement de copropriété qui concerne l’interdiction de location des lots à usage d’habitation autres que ceux constituant une résidence principale, au sens de l’article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, en meublés de tourisme au sens du I de l’article L. 324-1-1 du code du tourisme.
La modification prévue au d du présent article ne peut être décidée que dans les copropriétés dont le règlement interdit toute activité commerciale dans les lots qui ne sont pas spécifiquement à destination commerciale. »
Désormais, l’assemblée générale pourra décider de l’interdiction des locations de meublés de tourisme au sein de la copropriété sous réserve que :
– la destination de l’immeuble est à usage exclusif d’habitation à l’exception le cas échéant de lots ayant une destination différente tel que cela est défini dans le règlement de copropriété,
– l’interdiction porte sur les lots à usage d’habitation qui ne constituent pas une résidence principale.
Cette modification devra faire l’objet d’un acte authentique contenant modificatif au règlement de copropriété qui sera publié au service de la publicité foncière.
Reste une incertitude concernant le caractère commercial ou non de l’activité de meublé de tourisme, la Cour de cassation ayant récemment jugé qu’une telle location qui n’était accompagnée d’aucune prestation de services accessoires ou seulement de prestations mineures n’était pas de nature commerciale (Cass. 3ème civ. 25 janvier 2024, n° 22-21.455, non publié).
En effet, la modification de l’article 26 n’est applicable qu’aux locations meublées de tourisme qui ne présentent pas un caractère commercial. En revanche, la location meublée de tourisme à caractère commercial d’un lot d’habitation est interdite en ce qu’elle est incompatible avec la destination de l’immeuble ; sans que le règlement de copropriété n’ait à être modifié.
En ce qui concerne les règlements de copropriété établis à compter du 21 novembre 2024
Art. 8-1-1 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 (nouveau)
Les règlements de copropriété établis à compter de l’entrée en vigueur de la loi n° 2024-1039 du 19 novembre 2024 visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l’échelle locale mentionnent de manière explicite l’autorisation ou l’interdiction de location de meublés de tourisme, au sens du I de l’article L. 324-1-1 du code de tourisme.
Jusqu’à l’entrée en vigueur de la loi Le Meur, les règlements de copropriété pouvaient prévoir expressément une interdiction des locations de type Airbnb ou être muets ; cette situation pouvant susciter en pratique des incertitudes ainsi qu’il est dit supra.
Pour pallier ces incertitudes, les règlements de copropriété établis à compter du 21 novembre 2024 devront spécifiquement prévoir si cette activité est autorisée ou interdite.
En concertation avec le propriétaire de l’immeuble lors de la mise en copropriété, l’autorisation pourra éventuellement être limitée sous réserve de respecter les dispositions d’ordre public de la loi du 10 juillet 1965 précitée.
Livia Dazzi et Sonia Hermès