Le Conseil d'État considère que la suppression du double degré de juridiction de l’article R. 811-1-1 du code de justice administrative (CJA) n'est pas applicable à une décision de sursis à statuer.
Dans sa décision Commune de Venelles du 15 décembre 2021, le juge de cassation précise le champ d’application de l’article R. 811-1-1 du CJA qui attribue compétence aux tribunaux administratifs pour connaître en premier et dernier ressort des recours contre les permis de construire ou de démolir un bâtiment à usage principal d’habitation ou contre les permis d’aménager un lotissement lorsque le projet est situé en zone tendue. Ce dispositif temporaire ne s’applique qu’aux recours introduits entre le 1er décembre 2013 et le 31 décembre 2022 et a pour objectif de réduire le délai de traitement des recours pouvant retarder la réalisation d’opérations de construction de logements dans les zones où la tension entre l’offre et la demande de logements est particulièrement vive.
En l’espèce, un sursis à statuer a été opposé par le maire de Venelles à une demande de permis d’aménager pour la réalisation d’un lotissement, car le projet d’aménagement était de nature à compromettre le plan local d’urbanisme en cours de révision.
Saisi d’un recours, le tribunal administratif de Marseille a, dans un premier temps, jugé que dans la mesure où la décision de sursis avait été notifiée après l’expiration du délai d’instruction de la demande d’autorisation, un permis d’aménager était tacitement intervenu et que la décision de sursis devait donc être requalifiée en retrait implicite du permis. Dans un second temps, le juge a procédé à l’annulation de ce retrait qui comportait plusieurs vices.
La commune ayant interjeté appel de ce jugement, la question se posait de savoir qui, de la Cour administrative d’appel ou du Conseil d’État, était compétent pour statuer.
En effet, conformément à la jurisprudence antérieure rendue en la matière, la suppression du double degré de juridiction prévue à l’article R. 811-1-1 s’applique aux retraits d’autorisation [1],mais pas aux décisions de sursis à statuer[2].
En conséquence, dans la présente affaire, le juge de cassation a dû trancher entre deux parcours contentieux dont les termes ont ainsi été résumés par le rapporteur public :
« C’est cette configuration, et l’alternative qu’elle pose, qui a justifié l’inscription de l’affaire au rôle de vos chambres réunies : sursis à statuer et appel, d’une part ; ou retrait de permis et cassation directe, d’autre part. ».
Conformément à sa jurisprudence constante, le Conseil d’État opte pour une interprétation stricte des dispositions qui suppriment temporairement l’appel dans les zones tendues, en jugeant qu’elles ne s’appliquent pas en cas de recours contre un sursis à statuer, même si une telle décision est requalifiée en retrait d’autorisation par le juge de première instance. Le juge de cassation tient donc compte, au cas d’espèce, de la nature initiale de la décision attaquée.
Ainsi, la requête de la commune de Venelles présentant le caractère d’un appel, l’affaire est renvoyée devant la cour administrative compétente.
CE 15 décembre 2021, n° 451285, Commune de Venelles