Lorsqu’un projet présente un risque suffisamment caractérisé pour une ou plusieurs espèces protégées identifiées dans son périmètre, le pétitionnaire doit obtenir une dérogation à l’interdiction de porter atteinte aux espèces protégées, prévue à l’article L. 411-2 du Code de l’environnement. Force est de constater que la jurisprudence continue d’éclairer les contours de cette procédure, souvent redoutée par les porteurs de projets, contribuant ainsi à rendre son cadre d’application plus clair et prévisible.
La dérogation « espèces protégées », lorsqu’elle est requise, suppose le respect de trois conditions cumulatives :
- Absence d’une autre solution satisfaisante ;
- Maintien des populations des espèces concernées dans un état de conservation favorable dans leur aire de répartition naturelle ;
- Existence de l’un des cinq motifs légaux dont la raison impérative d’intérêt public majeur (RIIPM) particulièrement difficile à démontrer.
Quand est-il nécessaire de demander une telle dérogation ?
La jurisprudence (CE avis du 9 décembre 2022, n° 463563) a précisé les conditions déclenchant l’obligation de solliciter une dérogation. Le principe est désormais clair, une dérogation est requise lorsque le risque causé aux espèces protégées est suffisamment caractérisé et ce, malgré les mesures d’évitement et de réduction. Dans l’hypothèse où ces dernières permettent de réduire le risque causé aux espèces à un niveau négligeable, une dérogation n’est pas nécessaire. Seules les mesures d’évitement et de réduction sont prises en compte dans l’analyse – non les mesures compensatoires.
Le Conseil d’État l’a rappelé dans sa décision du 10 octobre 2025 (n° 495136) ; seules les mesures d’évitement et de réduction d’impacts – et non les mesures de compensation – doivent être prises en compte pour déterminer si les risques résiduels induits par le projet sur les espèces étaient suffisamment caractérisés.
Maintien en bon état de conservation des populations
Le Conseil d’État (CE 24 novembre 2025, n° 495513) rappelle qu’il incombe à l’autorité administrative, sous le contrôle du juge :
- dans un premier temps d’évaluer l’état de conservation des populations des espèces concernées ;
- puis, d’apprécier les impacts géographiques et démographiques que la dérogation pourrait entraîner.
En l’espèce, dans cette affaire relative à un parc éolien en mer, le juge administratif considère que les impacts résiduels du projet sur les espèces identifiées après mise en œuvre des mesures d’évitement et de réduction n’étaient pas de nature à compromettre l’état de conservation. En outre, il relève que les mesures de compensation envisagées auront des effets positifs sur certaines espèces d’oiseaux marins.
Absence de solution satisfaisante
Dans une décision du 21 novembre 2025 (n° 495622), le Conseil d’État estime que la condition tenant à l’absence de solution satisfaisante est remplie lorsqu’aucune solution alternative étudiée ne permet une moindre atteinte aux espèces tout en restant appropriée au regard :
- Des besoins à satisfaire ;
- Des moyens mobilisables ;
- Et des objectifs poursuivis.
En l’espèce, il s’agit d’une autorisation environnementale pour la construction d’un pont. Les juges du fond annulent l’autorisation en considérant qu’une reconstruction du pont existant constitue une alternative satisfaisante. La Haute juridiction censure cette analyse : la reconstruction ne répond pas à l’objectif principal du projet à savoir notamment sécuriser le franchissement de la Saône, accroître la circulation et maintenir la circulation publique pendant les travaux.