Par une décision du 15 décembre 2022, la Cour administrative d’appel de Lyon rappelle l’importance pour le porteur de projet de se poser la question du risque caractérisé pour les espèces protégées identifiées dans la zone du projet et la nécessité de mettre en œuvre des mesures destinées à éviter et à réduire considérablement l’atteinte aux espèces concernées, afin qu’il ne soit pas nécessaire de déposer une telle dérogation.
Dans le contexte actuel de réchauffement climatique, il est urgent de protéger et de préserver la biodiversité en danger notamment en raison de l’activité humaine entraînant la destruction des habitats naturels.
Selon l’article L. 411-1 du Code de l’environnement, il est interdit de porter atteinte aux espèces protégées. Toutefois, pour permettre la réalisation de projets, il est possible d’obtenir une dérogation, codifiée à l’article L. 411-2 du même code, sous réserve du respect de certaines conditions. Ces dérogations sont à l’origine de multiples contentieux et c’est dans le cadre de l’un d’entre eux, que la Haute juridiction administrative a été saisie. Le 9 décembre dernier, le Conseil d’État a apporté des précisions bienvenues s’agissant des conditions, de la méthode de demande et d’octroi de ladite dérogation (Cf. notre article Newsletter Cheuvreux – Décembre 2022).
Par une décision du 15 décembre 2022, la Cour administrative d’appel de Lyon applique cette méthode. En l’espèce, il s’agit de l’exploitation d’un parc éolien ayant entraîné la mort d’espèces protégées dont plusieurs milans royaux et des chiroptères. Deux arrêtés de prescriptions complémentaires sont pris en vue de limiter les atteintes à ces espèces. Les mesures envisagées dans ces arrêtés consistent notamment en la mise en place d’un dispositif de bridage dynamique afin de dévier la trajectoire de vol.
Des associations forment un recours contre la décision du préfet de ne pas soumettre le projet à dérogation.
Les juges rappellent dans un premier temps les conditions cumulatives et distinctes nécessaires à l’obtention d’une dérogation ;
- d’une part, l’absence de solution alternative satisfaisante,
- d’autre part, l’absence de nuisance pour le maintien dans un état de conservation favorable des populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle et enfin la justification de la dérogation par l’un des cinq motifs énoncés à l’article L. 411-2 du Code de l’environnement.
Ils reprennent ensuite la méthodologie du Conseil d’État rappelant que « l’exploitant ne doit obtenir une dérogation « espèces protégées » que si le risque que le projet comporte pour les espèces protégées est suffisamment caractérisé. A ce titre, les mesures d’évitement et de réduction des atteintes portées aux espèces proposées par le pétitionnaire doivent être prises en compte ». Si ces dernières permettent de réduire le risque à tel point qu’il n’est plus caractérisé, il n’est pas nécessaire de solliciter une telle dérogation.
En l’espèce lors de la découverte de cadavres de spécimens protégés, des mesures sont mises en place par arrêté préfectoral, destinées à réduire les impacts sur les espèces protégées. Il résulte de ces mesures qu’« il apparait que les mesures finalement adoptées ou mises en œuvre par l’exploitant, dont l’effectivité n’est pas sérieusement contestée, doivent permettre de réduire notablement, bien que pas complètement, le danger de collision et de destruction d’oiseaux ou de mammifères protégés présents dans le secteur d’implantation du site ». Les juges précisent que le projet comporte un risque négligeable pour ces espèces protégées et qu’il ne peut désormais être regardé comme suffisamment caractérisé. Par conséquent, aucune violation du régime de protection ne peut être retenu.
Par cette décision, les juges rappellent l’importance pour le porteur de projet de se poser la question du risque caractérisé pour les espèces protégées identifiées dans la zone du projet et la nécessité de mettre en œuvre des mesures destinées à éviter et à réduire considérablement l’atteinte aux espèces concernées, afin qu’il ne soit pas nécessaire de déposer une telle dérogation.
CAA Lyon 15 décembre 2022, n° 21LY00407, 22LY00073