L’activité parlementaire a pleinement repris et nombre de projets de textes sont déposés sur les bureaux de l’Assemblée nationale ou du Sénat. L’urbanisme, le logement, l’encadrement des prix du foncier… les thèmes sont particulièrement importants pour notre pratique. Petit tour d’horizon de certains d’entre eux !
La proposition de loi sur la simplification du droit de l’urbanisme et du logement portée par Harold Huwart et soutenue par la ministre du Logement, Valérie Létard, déposée à l’Assemblée nationale le 1er avril 2025, affiche une volonté de simplifier le droit de l’urbanisme. Elle entend répondre à la fois à l’urgence de la production de logements et à la nécessité de rendre les procédures plus efficaces et plus opérationnelles.
Le texte tente d’alléger les contraintes qui pèsent sur les collectivités et les porteurs de projets. On retrouve l’assouplissement des obligations de solarisation et de végétalisation des bâtiments publics, désormais réservées aux constructions d’une emprise au sol supérieure à 1 100 m² au lieu de 500 m² auparavant.
Le texte propose également de rendre plus souples les procédures de modification des plans locaux d’urbanisme (PLU) et des schémas de cohérence territoriale (SCoT) afin de favoriser des projets. La distinction entre modification et révision des documents d’urbanisme est clarifiée, et la procédure de révision sera réservée aux seules modifications portant sur les orientations stratégiques (PADD pour les PLU, PAS pour les SCoT), les autres évolutions relevant de procédures plus légères. Par ailleurs, la suppression de la caducité automatique des schémas de cohérence territoriale (SCoT), qui ne pourra désormais intervenir qu’après une mise en demeure infructueuse de l’établissement public compétent par le préfet, permet aux collectivités de mieux gérer l’évolution de ces documents.
La proposition élargit aussi les dérogations au PLU pour répondre à la demande en logements dans les zones d’activité ou dans les communes situées en zones « tendues ». Cette ouverture doit permettre une plus grande mixité fonctionnelle et faciliter des transformations comme la reconversion de bureaux en logements, enjeu majeur pour de nombreux territoires en mutation. Cette disposition permettra d’accroître l’offre de logements dans les territoires où la demande est la plus forte.
S’agissant de la sécurisation et de l’accélération des projets, la généralisation du permis d’aménager « multisites » permettra de mener des opérations complexes sur des parcelles non contiguës. Sur le terrain contentieux, la réforme prévoit un renforcement des sanctions administratives, un raccourcissement des délais de recours et la suppression du caractère suspensif du recours gracieux. L’objectif affiché est de réduire les délais de blocage des projets et de traiter plus efficacement les infractions.
Il convient de souligner qu’un amendement, adopté au cours des débats, vient modifier la procédure en cas de refus de permis de construire : le pétitionnaire pourra désormais, dans un délai d’un mois après la notification de la décision de refus, modifier son projet pour lever les motifs de refus formulés par l’administration. Passé ce délai, en l’absence de réponse, celui-ci deviendra définitif. Cette possibilité, qui suspend le caractère définitif du refus, devrait permettre de gagner un temps précieux et d’éviter la réouverture des délais d’instruction par le dépôt d’un nouveau dossier de demande, tout en limitant le risque de contentieux.
Enfin, d’autres mesures viennent compléter ce mouvement de simplification, tels que la transformation des zones d’activité en logements qui va être facilitée pour encourager la reconversion des friches et la revitalisation urbaine, l’extension des périmètres d’action des établissements publics fonciers locaux (EPFL) et l’élargissement des missions des sociétés publiques locales d’aménagement (SPLA-IN) ou la réduction du délai d’incorporation des biens sans maître dans le domaine communal.
Dans son ensemble, ce texte propose un certain nombre de mesures certes disparates mais qui vont certainement contribuer à apporter de la simplification et lever certains obstacles qui freinent les opérations de construction de logements.
Le texte, adopté par l’Assemblée nationale en 1ère lecture le 15 mai dernier, est désormais entre les mains de la Commission des affaires économiques du Sénat. A suivre !
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La proposition de loi visant à encadrer les prix du foncier en Île-de-France et dans les métropoles, déposée le 23 avril 2025 devant le Sénat, vise, comme son nom l’indique, à encadrer les prix du foncier en Île-de-France et dans certaines métropoles afin de lutter contre la flambée des coûts qui impacte directement le prix des logements et de l’accession à la propriété.
Cette initiative n’est pas nouvelle et s’inscrit dans un contexte où les collectivités locales tentent déjà de réguler les valeurs foncières et d’endiguer et/ou encadrer la spéculation foncière. Elles le font aujourd’hui via différents outils de droit commun :
- urbanistiques, certaines règles d’urbanisme – comme les emplacements réservés, servitude de mixité sociale et fonctionnelle, etc. – et procédures – comme la zone d’aménagement différé – pouvant avoir un effet sur les valeurs foncières ;
- contractuels, surtout en cas de maîtrise foncière de la collectivité, avec des « chartes promoteurs » qui peuvent réguler certains prix ou encore l’insertion de clauses anti-spéculatives dans les ventes par exemple ;
- opérationnels, avec l’intervention d’acteurs spécifiques comme les organismes HLM, les OFS ou encore les établissements publics fonciers.
Pour autant, et malgré tout, d’après l’exposé des motifs de cette proposition de loi, les prix du foncier ont été multipliés par 4 depuis 2000 dans la région Île-de-France.
Les auteurs de de ce texte envisagent donc d’aller plus loin en s’appuyant sur un modèle inspiré de l’encadrement des loyers.
Le dispositif proposé prévoit :
- la création d’un observatoire régional des prix du foncier en Ile-de-France. Ce dernier a pour mission de favoriser la transparence sur l’évolution des coûts de la construction, l’évolution des prix du foncier et de l’immobilier permettant de définir l’évolution des marges réalisées dans toute la chaîne de la construction ;
- la possibilité de mettre en place un dispositif d’encadrement des prix du foncier sur un modèle similaire à celui de l’encadrement des loyers dans les zones tendues (zones mentionnées à l’article 17 de la loi du 6 juillet 1989) sur demande des EPCI compétents en matière d’habitat, la commune de Paris, les EPT de la métropole du Grand Paris, la métropole de Lyon et la métropole d’Aix-Marseille-Provence.
Le cas échéant, le préfet de département fixe, chaque année, par arrêté, un prix de vente du foncier de référence, un prix de référence majoré (égal à un montant supérieur de 15% par rapport au prix de référence) et un prix de référence minoré (égal à un montant inférieur de 15% au prix de référence), exprimés par un prix au mètre carré, par secteur géographique sur la base des niveaux de prix constatés par les observatoires de l’habitat et du foncier qui voit leurs missions étendues, ainsi que l’observatoire régional des prix du foncier en Ile-de-France nouvellement créé.
Pour chaque commune, le conseil municipal peut établir un prix de vente maximum établi entre le prix médian et le prix de référence majoré.
- de désigner l’Établissement Public Foncier (EPFIF) comme autorité régulatrice du foncier en Île-de-France, sans précision particulière cependant quant à l’étendue de ses missions et prérogatives en la matière ;
- de compléter le droit de préemption en intégrant le motif de lutte contre la spéculation immobilière et foncière, rappelant ainsi le projet de loi relatif au développement de l’offre de logements abordables qui prévoyait l’institution d’un dispositif temporaire d’une durée de 7 ans, permettant l’exercice du droit de préemption urbain en vue de la « régulation des marchés foncier et immobilier lorsque le niveau excessif constaté des prix de vente de biens immobiliers risque de compromettre la réalisation des objectifs en matière d’accès au logement ou de mixité sociale fixés ».
L’examen de ce texte n’est pas encore inscrit dans le calendrier des sénateurs.
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Prenant comme modèle la loi du 11 février 2016 relative à la lutte contre le gaspillage alimentaire, la proposition de loi transpartisane visant à lutter efficacement contre le gaspillage immobilier, déposée le 17 avril 2025, entend remédier au phénomène de vacance, qui se renforce avec la crise de l’immobilier, et à la sous-utilisation des bâtiments, notamment tertiaires.
Au-delà de ses bénéfices écologiques, cette mobilisation de l’existant permettrait de répondre aux besoins en logement, en hébergement d’urgence, ainsi qu’à ceux des acteurs de l’économie sociale et solidaire, pour lesquels l’accès à des locaux abordables est difficile.
Ainsi, la loi change le paradigme : les biens immobiliers vacants ou sous-utilisés constituent un « potentiel d’utilité sociale » que l’État, les collectivités territoriales et les structures de l’économie sociale et solidaire doivent pouvoir utiliser pour remplir des fonctions d’intérêt général et d’utilité sociale, au service des politiques publiques, notamment en faveur du développement du logement, de l’hébergement et des espaces économiques de transition écologique et sociale.
Les objectifs de la proposition de loi sont les suivants :
- Définir et mesurer la vacance
La proposition de loi intègre dans le Code de l’urbanisme une définition de la vacance selon laquelle un local vacant est un local inutilisé depuis plus de vingt-quatre mois ou, s’il est à usage d’habitation, depuis plus de douze mois. L’objectif étant ensuite de la mesurer, la proposition de loi prévoit que les établissements publics de coopération intercommunale publient, tous les trois ans, un baromètre de la vacance immobilière.
- Intégrer davantage la mobilisation prioritaire de la vacance au profit des acteurs de l’économie sociale et solidaire dans les documents de planification urbaine
En l’état du droit positif, les textes fixant le contenu des PADD des PLU (art. L. 151-5 du Code de l’urbanisme) et des cartes communales (art. L. 161-3 du Code de l’urbanisme) conditionnent l’ouverture à l’urbanisation d’espaces naturels, agricoles ou forestiers à ce que la capacité d’aménager et de construire soit déjà mobilisée dans les espaces urbanisés, ce incluant la capacité à mobiliser effectivement notamment les locaux vacants.
Afin de favoriser l’adoption de règles adéquates, la loi prévoit l’établissement, dans le rapport de présentation des PLU, d’un inventaire du nombre de mètres carrés vacants en fonction de leur destination. De plus, l’objectif de développement de l’économie sociale et solidaire est expressément intégré aux finalités que doivent viser l’action des collectivités publiques en matière d’urbanisme.
- Faciliter la mobilisation de ces immeubles vides
Pour faciliter la mobilisation des immeubles vides au profit des acteurs de l’économie sociale et solidaire, la proposition de loi étend la durée des baux dérogatoires prévus à l’article L. 145-5 du Code de commerce à soixante-douze mois, à condition que le loyer soit réduit par rapport au loyer de marché et que le preneur soit une entreprise de l’économie sociale et solidaire au sens de l’article 1er de la loi n° 2014‑856 relative à l’économie sociale et solidaire.
De plus, en zone tendue, la loi projette d’élargir le droit de réquisition appartenant aux préfets aux maires.
- Optimiser l’utilisation des espaces bâtis par la diversification des usages
Les bâtiments et les différents espaces de la ville, qu’ils soient publics ou privés, sont largement sous-utilisés si l’on considère les moments auxquels ils sont mobilisés (https://www.m2intenses.com/).
Pour favoriser l’intensification des usages des bâtiments existants, la proposition de loi adapte le droit de l’urbanisme à deux titres : d’une part, au niveau des documents de planification, afin que puissent y être intégrées les dispositions encourageant l’ajout d’usages complémentaires ; d’autre part, au niveau des autorisations d’urbanisme, en permettant au pouvoir réglementaire d’adopter des cas de dispense de formalités pour certains changements de destination temporaires, similaires à ceux déjà prévus pour les constructions nouvelles (art. R* 421-5 du Code de l’urbanisme).
L’examen du texte n’est pas encore inscrit à l’ordre du jour. Toutefois, afin d’accélérer l’adoption de ces mesures, les députés ont intégré cette dernière disposition par voie d’amendement dans la loi de simplification du droit de l’urbanisme (article 2 bis).
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A noter enfin, en dernière minute, l’accord qui a été trouvé en commission mixte paritaire le 20 mai dernier sur la proposition de loi visant à faciliter la transformation des bureaux en logements.
Pour rappel, la facilitation des opérations de transformation de bureaux en logements réunit de nombreux avantages, notamment ceux de lutter contre la vacance des locaux, de favoriser la création de logements tout en respectant des objectifs de transition énergétique et en répondant aux objectifs de mixité sociale voulus par le Code de l’urbanisme. Alors que certains freins législatifs ont d’ores et déjà été identifiés, notamment en ce qui concerne les prises de décision au sein des copropriétés, les modifications des sous‑destinations du plan local d’urbanisme ou même encore la nature du permis de construire délivré, la proposition de loi vise à combler certains de ces manques et à simplifier le droit pour faciliter ces opérations de transformation, en agissant sur plusieurs problématiques. Toutefois, la dissolution de l’Assemblée nationale en juin 2024 avait mis fin aux discussions.
Les débats en séance publique se tiendront le 5 juin prochain. Une adoption avant l’été est plus qu’envisageable.
Eléonore Chirossel, Valérie Guéguen et Juliette Marion
Lab Cheuvreux