Par un jugement du 23 février 2024, le Tribunal administratif de Toulon juge que le motif tiré de la violation de l’article R. 111-2 du Code de l’urbanisme concernant l’insuffisance des ressources en eau permet au maire de Fayence, pour ce seul motif, de s’opposer à la délivrance du permis de construire demandé par un particulier. Le refus est donc caractérisé par le risque que fait courir ce projet à la salubrité et sécurité publiques dans un contexte de raréfaction de l’eau.
En 2022, un propriétaire sollicite de la commune de Fayence une autorisation de bâtir sur son terrain un immeuble à usage d’habitation de cinq logements. Par arrêté, le maire refuse la délivrance de ce permis de construire. Le propriétaire dépose une requête en annulation du rejet de son recours gracieux et de la décision de refus au Tribunal administratif.
Le tribunal souligne qu’en vertu de l’article R. 111-2 du Code de l’urbanisme, lorsqu’un projet de construction est de nature à porter atteinte à la salubrité ou à la sécurité publiques, le permis de construire ne peut être refusé que si l’autorité compétente estime, sous le contrôle du juge, qu’il n’est pas légalement possible, au vu du dossier et de l’instruction de la demande de permis, d’accorder le permis en l’assortissant de prescriptions spéciales qui, sans apporter au projet de modifications substantielles nécessitant la présentation d’une nouvelle demande, permettraient d’assurer la conformité de la construction aux dispositions législatives et réglementaires dont l’administration est chargée d’assurer le respect.
En outre, le tribunal relève que les risques d’atteinte à la sécurité et la salubrité publiques visés par ce texte sont aussi bien les risques auxquels peuvent être exposés les occupants de la construction pour laquelle le permis est sollicité que ceux que l’opération projetée peut engendrer pour des tiers. C’est à l’appui de cet article que le maire tient son premier motif de refus de délivrance de l’autorisation administrative, tiré de l’atteinte à la salubrité publique que représente le projet alors que la commune se trouve être un territoire en stress hydrique.
C’est dans l’intérêt de tous, et notamment des tiers au projet, que le maire de la commune doit agir ; il en va ainsi lorsqu’il relève que le projet de construction a des effets sur les ressources en eau dont la faible capacité est de nature à avérer un risque pour la santé et la salubrité publiques. Sur ce point, le requérant désapprouve et soutient que le risque d’insuffisance en eau ne saurait être regardé comme un risque pour la sécurité et la salubrité publiques mentionné par la disposition précitée, et qu’en toute hypothèse l’insuffisance en eau n’est pas démontrée. Cependant, une étude portant sur les besoins en eau, menée par un bureau d’études missionné par la communauté de communes du Pays de Fayence a conclu en juillet 2021 à une insuffisance des ressources en eau à très court terme, compte tenu de l’assèchement de deux forages et du faible niveau du troisième. L’insuffisance des ressources en eau, est, selon le tribunal, établie. C’est pourquoi le tribunal refuse le moyen du requérant tiré de l’absence de toute démonstration du caractère insuffisant de la ressource en eau. Par suite, une telle insuffisance en eau qui expose à la fois les futurs occupants de la construction en cause mais également tous les usagers, pourtant tiers à l’opération projetée, constitue une atteinte à la salubrité publique au sens des dispositions de l’article R. 111-2 du Code de l’urbanisme. Le tribunal expose qu’il ne ressort pas des pièces du dossier que le maire aurait pu valablement accorder le permis de construire sollicité par le propriétaire en l’assortissant de prescriptions.
Le tribunal décide de retenir que c’est à bon droit que le maire a pu s’opposer au projet au motif qu’il est de nature à porter atteinte à la salubrité publique. Dès lors, le motif tiré de la violation de l’article R. 111-2 concernant l’insuffisance des ressources en eau est fondé et le maire, pouvait, pour ce seul motif, s’opposer à la délivrance du permis de construire sollicité par le propriétaire.
Cette ligne de conduite appliquée par le maire de Fayence poursuit un projet de plus grande envergure, porté par les neufs maires de la Communauté de communes du pays de Fayence qui ont pris l’engagement strict de refuser pendant quatre années tout permis de construire portant sur la construction de nouvelles habitations, et ce à compter du mois de janvier 2023.
Ce jugement s’inscrit dans la lignée de celui rendu par le Tribunal administratif de Paris le 2 juillet 2021 qui a annulé les permis de construire relatifs à deux projets de construction, notamment le projet Mille Arbres, en retenant le motif environnemental de la pollution de l’air comme fondement.
Dans le contexte actuel de pénurie structurelle d’eau, ce jugement retient dès lors l’insuffisance en eau comme motif caractérisant un risque pour la salubrité publique et permettant de justifier le refus de la délivrance d’autorisation d’urbanisme sur le fondement de l’article R .111-2 du Code de l’urbanisme. Bien plus qu’une simple incitation à la maitrise de l’urbanisme, le maire de Fayence a désormais un cadre légal pour refuser la délivrance de permis de construire et faire ainsi une « pause de construction » dans sa commune.