La Cour de cassation est récemment revenue sur les conditions de la jonction des possessions en matière de prescription acquisitive.
Monsieur T. acquiert une cave constituant le lot de copropriété 82 d’un ensemble immobilier. Le notaire l’informant qu’il n’a pas été mis en possession de la bonne cave, celui-ci accepte de la restituer à son propriétaire . Il demande alors auprès de Madame A, qui est propriétaire du lot 81 correspondant à une cave constituant le lot 82 selon le plan de localisation établi par le règlement de copropriété d’origine, de lui restituer cette cave. Madame A refuse cette restitution et revend le lot à Madame C.
Monsieur T. assigne alors en restitution de la cave Madame C., qui appelle en garantie sa venderesse.
La Cour d’appel fait droit à la demande de Monsieur T. et écarte l’acquisition par prescription de la propriété du lot 82 au profit de Mesdames A. et C. Elle considère qu’en l’absence de modification régulière du plan de localisation des caves annexées au règlement de copropriété, la cave possédée par Madame C. correspond selon le plan, qui est le seul applicable, au lot 82. Elle poursuit que les titres de propriété respectifs de Madame A. et Madame C. portent tous deux sur le lot 81 et n’ont donc pas transféré la possession du lot 82 qui était ainsi resté en dehors de la vente, de sorte que Madame C. ne pouvait joindre sa possession à celle de Madame A.
Madame A. forme un pourvoi en cassation contre cette décision et fait valoir que l’acquéreur peut joindre sa possession à celle de son auteur à titre particulier dès lors que le bien est envisagé par les parties comme étant compris dans la vente, ce qui était le cas dans la vente de 1996 au profit de Madame A. et celle de 2016 au profit de Madame C.
La Cour de cassation fait droit à leur demande et censure l’arrêt d’appel. Elle considère que les motifs avancés par les juges du fond n’excluent pas que les ventes de 1996 et de 2016 aient porté, dans l’intention des parties et à la suite des modifications mêmes irrégulières de l’emplacement et de la numérotation des caves, sur celle possédée par Madame A. et correspondant à l’emplacement d’origine de la cave constituant le lot 82 selon l’état descriptif de division initial. La Haute Juridiction juge ainsi que la cour d’appel a violé l’article 2265 du Code civil relatif à la jonction des possessions.
Cette affaire fait écho au principe selon lequel l’acquéreur ne peut joindre sa possession à celle de son vendeur si le bien ne faisait pas partie des biens transmis (Civ. 3ème, 17 avril 1996, n° 94-15.748 ; Civ. 3ème, 3 octobre 2000, n° 98-20.646 ; Civ. 3ème, 17 décembre 2015, n° 14-22.014). La cour d’appel écarte d’ailleurs la jonction des possessions sur ce fondement.
Dans cette décision, la Cour de cassation apprécie ce critère en prenant en considération l’intention des parties, qui souhaitaient bien transmettre la cave occupée par Madame A. puis par Madame C., ainsi que les circonstances particulières de l’affaire liées aux modification même irrégulières des emplacements des caves sur le plan de localisation annexé au règlement de copropriété, qui expliquent et justifient dans le cas d’espèce le fait que les parties entendaient bien céder le lot occupé.
Cette solution s’inscrit dans le prolongement de la jurisprudence aux termes de laquelle la Cour de cassation apprécie la transmission du bien en tenant compte de l’intention des parties (Civ. 3ème, 15 septembre 2015, n° 14-14.703 ; Civ. 3ème, 12 janvier 2017, n° 16-11.711).
Cette jurisprudence est en pratique favorable à la résolution de ces conflits qui sont fréquents dans le cadre des immeubles anciens, dans la mesure où elle permet aux copropriétaires, en cas d’erreurs de numérotation et d’attribution des caves d’une copropriété, d’acquérir par prescription celles dont ils ont la possession.