Dès lors que le bailleur à construction décide de conclure sur son terrain, après l’expiration du bail, un bail constitutif de droits réels, il n’est pas tenu de faire bénéficier son preneur sortant du droit conventionnel de préférence à la conclusion d’un bail commercial stipulé dans le bail à construction.
En fin de bail, le preneur à construction qui exerce une activité commerciale (ou a choisi de faire exercer par des tiers leurs activités commerciales sur le site considéré) doit restituer l’immeuble et le quitter, libre d’occupants et d’occupation, les articles L. 251-1 et suivants du CCH ne lui conférant aucune prérogative particulière.
Aux termes de l’article L. 251-6 du CCH « …les baux et titres d’occupation de toute nature portant sur les constructions, s’éteignent à l’expiration du bail sauf pour les contrats de bail de locaux d’habitation ». Cette solution est applicable aux baux commerciaux, fussent-ils statutaires, consentis par le preneur à construction.
Pour pallier ces règles, jugées peu satisfaisantes par certains opérateurs, il a fréquemment été prévu deux aménagements :
- Le premier consiste en un accord exprès du bailleur sur les conditions des ultimes baux consentis par le preneur ; le bailleur s’engage en pareil cas, par dérogation à l’article précité, à poursuivre lesdits baux une fois redevenu plein propriétaire de l’entier ensemble, suite à l’accession des constructions.
- Le second consiste à stipuler un pacte de préférence. Sur ce point, la pratique rédactionnelle se révèle avoir été très variée au fil des années, et ne pas avoir toujours envisagé assez précisément tous les scénarios possibles (Sur ce point V. J.-L. Tixier, 10 questions sur l’expiration du bail à construction, Opérations Immobilières Juin 2025 (spclt questions 4, 5 et 7). L’arrêt récent de la Cour d’appel de Lyon illustre toute la fragilité de ces clauses qui n’ont, a priori, pas appréhendé assez largement toutes les hypothèses envisageables.
Le bail soumis à l’examen de la Cour d’appel de Lyon comportait une clause de droit préférentiel de location à l’issue du bail à construction ainsi rédigée: « à titre de condition essentielle et déterminante du présent bail à construction sans laquelle le preneur n’aurait pas contracté, le bailleur s’engage irrévocablement …/…à accorder préférentiellement au preneur, lorsque ce dernier aura, à l’expiration du bail …/…, perdu la propriété des nouvelles constructions par suite du droit d’accession du bailleur, un contrat de location portant sur la totalité de l’ensemble immobilier, terrain et bâtiments, issu du présent bail à construction et ce, à loyer égal et par préférence à tout autre. …/… ».
Le preneur en avait, hâtivement, déduit qu’à l’issue du bail à construction il pourrait prétendre à un bail.
La Cour estimant qu’elle devait raisonner en application de l’article 1162 ancien du Code civil (aujourd’hui article 1190), a interprété cette clause en faveur du bailleur, débiteur de l’obligation et que dans la mesure où le bailleur avait décidé de donner le terrain à bail à construction pour un autre usage que l’exploitation de l’existant par un locataire dans le cadre d’un bail commercial, il n’était pas tenu par le pacte de préférence.
Les juges ont donc estimé qu’en décidant de proposer sur son terrain un nouveau bail à construction, le bailleur n’était pas tenu de faire bénéficier la société preneuse du droit de préférence prévu par la clause litigieuse.
Cette décision illustre la portée toute relative des clauses de ce type (fruit d’une pratique rédactionnelle établie).
Dès lors que l’opération projetée par le bailleur en fin de bail n’est pas la poursuite d’une exploitation locative de l’immeuble, cette clause (de « préférence » locative) n’a pas vocation à recevoir application.
Reste que tenter, lors de la négociation du bail à construction, de bénéficier d’une véritable promesse de bail, ou demander que le bailleur s’interdise tout autre projet (vente, bail emphytéotique, nouveau bail à construction, etc…) risque fort de se heurter à un refus de ce dernier.
En tout état de cause, cette décision relativise, en l’état, la portée du « droit préférentiel de location à l’expiration du bail à construction » souvent stipulée notamment au cours des années 80 et 90.
CA Lyon 3 juillet 2025, n° 21/06429, S.A.S. SOFIPARC c/ S.A.R.L. AQUA CENTER