Aux termes d’une décision rendue le 3 avril 2025, la Cour de cassation rappelle les modalités et éléments à prendre en compte dans le cadre de la fixation judiciaire du prix en matière de préemption.
En l’espèce, le propriétaire d’un lot dans un immeuble soumis au régime de la copropriété et situé dans une zone d’aménagement différé, notifie à la commune du lieu de situation de l’immeuble une déclaration d’intention d’aliéner. L’Établissement public foncier local, délégataire du droit de préemption, décide d’user de sa faculté et de préempter le bien à un prix inférieur à celui proposé. Les parties ne trouvant pas d’accord sur le prix, l’Établissement public sollicite la fixation judiciaire de celui-ci.
La Cour d’appel d’Aix en Provence juge que l’état de dégradation n’est pas imputable au propriétaire mais à l’arrêt des travaux de rénovation et d’entretien résultant de la création de zone d’aménagement différé et qu’il ne doit donc pas impacter le prix.
L’Établissement public, considérant qu’il convient de tenir compte dans la fixation du prix de l’état dégradé de l’immeuble et des parties communes et ce, peu important qu’il ne soit pas imputable à l’exproprié, se pourvoit en cassation.
La question posée à la Haute Cour est donc de savoir si le juge doit prendre en compte pour la fixation du prix des biens l’état des parties communes même si la dégradation de ces dernières n’est pas due à une carence du propriétaire et quelle date doit être retenue pour établir cette évaluation.
La réponse à cette interrogation implique de rappeler que l’article L. 213-4 du Code de l’urbanisme dispose qu’ « à défaut d’accord amiable, le prix d’acquisition est fixé par la juridiction compétente en matière d’expropriation ; ce prix est exclusif de toute indemnité accessoire, et notamment de l’indemnité de remploi » et que cet article prévoit également qu’en matière de préemption « le prix est fixé, payé ou, le cas échéant, consigné selon les règles applicables en matière d’expropriation ».
Au sein du Code de l’expropriation, l’article L. 322-1 indique que « Le juge fixe le montant des indemnités d’après la consistance des biens à la date de l’ordonnance portant transfert de propriété ».
C’est au visa de ces textes que la Cour de cassation censure l’arrêt d’appel.
La Haute Juridiction considère en effet qu’il résulte de ces articles que « le prix du bien préempté, qui doit être fixé d’après sa consistance au jour du jugement de première instance, prend en compte, s’agissant de biens situés dans un immeuble en copropriété, l’état des parties privatives et des parties communes, même si la dégradation de ces dernières résulte de l’arrêt de tous travaux de rénovation et d’entretien après la création de la zone d’aménagement différé. ».
L’arrêt rappelle ainsi que, lorsque le bien préempté est un lot de copropriété, lequel est composé de parties privatives et d’une quote-part attachée de parties communes, sa valeur doit être en conséquence fixée en tenant compte de la valeur à la fois des parties privatives et des parties communes.
Or, les parties communes sont dégradées dans le cas d’espèce et, à l’inverse de ce qu’ont décidé les juges d’appel, il convient de prendre en compte cette dégradation dans la fixation du prix, peu important que cet état ne résulte pas d’une carence de l’exproprié mais de la création de la zone d’aménagement différée ayant conduit à l’arrêt de tous travaux de rénovation et d’entretien.
En somme, les circonstances entourant la dégradation n’ont pas à être prises en compte dans le cadre de la fixation du prix.
Cette décision conduit ainsi à faire subir au propriétaire du lot une dévaluation de son bien en raison de la dégradation des parties communes alors même qu’elle ne résulte pas d’une carence de sa part. Dès lors, afin d’éviter aux copropriétaires de subir une telle dévaluation, le syndicat des copropriétaires doit faire réaliser les travaux d’entretien nécessaires au maintien en bon état des parties communes, même si l’immeuble est situé dans une zone d’aménagement différée et sera exproprié à terme (V. en ce sens A. Lebatteux, « Fixation du prix en cas d’exercice du droit de préemption sur un lot de copropriété et prise en compte de l’état des parties communes », Loyers et copropriété 2025, comm. 102)