Cheuvreux Paris

Ordonnance sur la réforme des procédures collectives : quelles interactions avec le droit des sûretés ?

17 Déc 2021 Newsletter

On sait que la loi PACTE du 22 mai 2019 (art. 60, 14°) avait autorisé le Gouvernement, parallèlement à l’habilitation à réformer le droit des sûretés, à réformer le droit des procédures collectives, notamment dans son volet relatif à l’articulation avec le droit des sûretés.

Il s’agissait plus précisément de prendre les mesures nécessaires pour « simplifier, clarifier et moderniser les règles relatives aux sûretés et aux créanciers titulaires de sûretés dans le livre VI du Code de commerce, en particulier dans les différentes procédures collectives, notamment en adaptant les règles relatives aux sûretés au regard de la nullité de certains actes […], en améliorant la cohérence des règles applicables aux garants personnes physiques en cas de procédure collective et en prévoyant les conditions permettant d’inciter les personnes à consentir un nouvel apport de trésorerie au profit d’un débiteur faisant l’objet d’une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire avec poursuite d’activité ou bénéficiant d’un plan de sauvegarde ou de redressement arrêté par le tribunal ».

Dans cet esprit, la modification du livre VI du Code de commerce, opérée par l’ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021 (JO 16 sept.), entrée en vigueur le 1er octobre 2021, tend à améliorer la lisibilité des droits des créanciers titulaires de sûretés en procédures collectives et à assurer l’efficacité des sûretés consacrées par l’autre ordonnance du 15 septembre 2021, celle réformant le droit des sûretés (Ord. n° 2021-1192 du 15 septembre 2021), en particulier la cession de créance et la cession de sommes d’argent, à titre de garantie. Le rapport au président de la République se félicite de ce qu’à travers ces dispositions, « [l]’attractivité du droit français est ainsi renforcée et, les sûretés étant essentielles au crédit, le financement des entreprises facilité ».

La réforme vise également à assurer un équilibre entre les intérêts des créanciers et ceux des débiteurs et des garants. « Lorsqu’elle est encore possible », souligne le rapport au président, « la restructuration de l’entreprise en difficulté doit être favorisée, ce qui nécessite d’appliquer un principe de suspension des poursuites pendant une certaine durée, avec des dérogations limitées et encadrées. Le législateur a également marqué le souhait de mieux protéger les garants du débiteur en difficulté, en particulier les garants personnes physiques ».

La présente note s’intéresse, de façon non exhaustive, à trois aspects de la réforme dignes de retenir l’attention des praticiens du financement immobilier institutionnel.

La réforme impacte tout d’abord le traitement des sûretés avant l’ouverture de la procédure collective, c’est-à-dire durant la période suspecte, avec l’objectif affiché d’améliorer la protection du gage commun des créanciers. L’article L. 632-1, 6° du Code de commerce est ainsi modifié afin notamment de soumettre à la nullité de plein droit l’ensemble des sûretés réelles conventionnelles et tout droit de rétention conventionnel constitués sur les biens ou droits du débiteur pour dettes antérieurement contractées. Il consacre en outre la jurisprudence de la Cour de cassation qui autorise, en période suspecte, la substitution de sûretés lorsque la nouvelle sûreté vient remplacer une sûreté antérieure d’une nature et d’une assiette au moins équivalentes.

L’ordonnance consacre toutefois le régime particulier, très favorable aux créanciers, appliqué par la jurisprudence (Voir notamment Cass. com. 30 mars 2010, n° 08-17.556) aux cessions de créances professionnelles « Dailly ». Pour ces sûretés, l’article L. 632-1, 6°, du Code de commerce fait exception à la nouvelle règle de nullité de plein droit lorsque la cession de créance, intervenue en période suspecte, l’a été « en exécution d’un contrat-cadre conclu antérieurement à la date de cessation des paiements ». Ce faisant, elle ajoute un nouvel argument à l’attractivité, déjà bien établie, de la cession Dailly dont on sait que, ne constituant pas un paiement, elle échappe à la règle de la nullité des paiements des créances non échues en période suspecte (voir pour un exemple Cass. com. 22 mars 2017, 15-15.361).

S’agissant du sort des sûretés après l’ouverture de la procédure collective, il faut souligner une innovation significative, concernant la situation des débiteurs ayant consenti une sûreté réelle pour autrui et se retrouvant placés en procédure collective. On sait que la jurisprudence de la Cour de cassation écartait l’obligation de déclaration d’une telle sûreté et autorisait le créancier à la réaliser en dépit de l’interdiction des paiements et des poursuites. Le nouvel article L. 622-25 du Code de commerce met fin à ce régime de faveur. La déclaration doit en effet désormais préciser « le cas échéant, si la sûreté réelle conventionnelle a été constituée sur les biens du débiteur en garantie de la dette d’un tiers ». Corrélativement, l’article L. 622-21 du Code de commerce fait l’objet d’une modification ayant pour objet d’étendre la règle de l’arrêt et de l’interdiction des procédures d’exécution, qui n’est désormais plus limitée aux créanciers du débiteur mais inclut également le bénéficiaire d’une sûreté réelle constituée par ce débiteur en garantie de la dette d’autrui.

Enfin, l’ordonnance a institué, comme l’y invitait l’article 60 de la loi PACTE, un nouveau privilège pour apport d’argent frais (post money) en procédures collectives. Ce privilège s’inscrit dans le prolongement du privilège de new money en matière de procédure de conciliation, prévu par l’article L. 611-11 du Code de commerce, ayant pour objet de faciliter le financement de la trésorerie des entreprises en difficulté en vue de permettre leur rebond. Il s’agit, plus précisément, de pérenniser le cadre temporaire du privilège de post money  instauré initialement dans le cadre des mesures exceptionnelles prises lors de la crise sanitaire par l’ordonnance n° 2020-596 du 20 mai 2020. Le privilège s’applique tout d’abord aux créances résultant d’un nouvel apport de trésorerie consenti en vue d’assurer la poursuite d’activité de l’entreprise en période d’observation, pour la durée de la procédure (art. L. 622-17 nouv. C. com.). Ces apports de trésorerie doivent, pour bénéficier du privilège, être autorisés par le juge-commissaire et faire l’objet d’une publicité. Un privilège identique est prévu pour garantir les créances résultant d’un apport de trésorerie correspondant à un engagement mentionné dans le projet de plan de sauvegarde, tel qu’arrêté ou modifié par le tribunal. Un privilège de redressement s’appliquera également en situation de redressement judiciaire. À ce titre, le nouvel article L. 626-2, al. 2, du Code de commerce prévoit que « le projet de plan mentionne les engagements d’effectuer des apports de trésorerie pris pour l’exécution du plan ». Le classement de ces privilèges, très favorable, est précisé par les nouveaux articles L. 622-17 et L. 643-8 du Code de commerce.

L’analyse de l’ordonnance portant réforme des procédures collectives laisse en définitive une impression contrastée, puisqu’à côté de réelles avancées, on peut regretter certaines « occasions manquées ». A titre d’exemple, la réforme aurait pu être l’occasion de renforcer l’efficacité du pacte commissoire, pour lequel l’article L. 622-7 du Code de commerce dans sa rédaction issue de la réforme maintient la règle selon laquelle le jugement d’ouverture fait « obstacle à la conclusion et à la réalisation d’un pacte commissoire ». Les voix qui militaient, en particulier chez les acteurs du financement des professionnels de l’immobilier, pour l’assouplissement de cette règle, soit en admettant la réalisation d’un pacte commissoire conclu avant le jugement d’ouverture soit en permettant la mise en jeu d’un pacte commissoire conclu antérieurement au jugement d’ouverture à compter du jugement de liquidation judiciaire, n’ont à l’évidence pas été entendues.

On peut également déplorer la différence de traitement entre la cession de créance à titre de garantie de droit commun et la cession Dailly : plusieurs ont souligné le paradoxe tenant au fait que, si la cession de créance à titre de garantie de droit commun consacrée par la réforme des sûretés (art. 2373 et suiv. nouv. C. civ.) est fortement inspirée de la cession Dailly, dont l’efficacité est habituellement plébiscitée par ses utilisateurs, elle est cependant, à la différence de cette dernière, paralysée en cas de survenance d’une procédure collective, ce qui constitue un vrai frein à son utilisation par les acteurs du financement.

Ordonnance n° 2021-1193 du 15 septembre 2021 portant modification du livre VI du Code de commerce

Pierre-Emmanuel Dupont, Équipe Financement




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