Une décision importante du Conseil d’État, en date du 9 novembre 2023, mentionnée au recueil Lebon, apporte des précisions utiles à la notion d’extension d’une construction existante.
Dans la présente affaire, une société civile immobilière obtient un permis de construire autorisant l’extension d’une maison d’habitation existante. Les travaux projetés ont pour objet de porter la surface de plancher existante de 63 m² à 329 m² après démolition partielle, extension horizontale et surélévation. Le permis est attaqué par des voisins au motif que des travaux d’une telle superficie ne sauraient être considérés comme une extension au sens du plan local d’urbanisme mais comme une construction nouvelle compte tenu de leur caractère substantiel. Les juges du fond déboutent les requérants, considérant que faute de définition dans les textes ou le document d’urbanisme, la notion d’extension n’est conditionnée que par des liens fonctionnel et physique, indifféremment des dimensions de l’agrandissement. Les requérants forment un pourvoi devant le Conseil d’État.
Le débat porté devant la Haute juridiction repose sur le point de savoir si les travaux projetés constituent, au regard de leurs caractéristiques, une extension du bâti existant ou s’ils doivent être assimilés à la réalisation d’une construction neuve. En l’espèce, pour les pétitionnaires, l’enjeu est le suivant : qualifier les travaux projetés d’extension d’une construction existante permet d’écarter l’application des dispositions du règlement du PLU relatives aux seules constructions nouvelles, lesquelles font obstacle à la réalisation du projet, le PLU prévoyant des règles plus favorables pour le pétitionnaire en cas d’extension d’une construction existante qu’en cas de construction neuve.
Alors que le critère fonctionnel et de continuité physique entre l’extension et le bâti principal est confirmé de façon constante par la jurisprudence, tel n’est pas le cas d’un critère de superficie ou de proportion.
Le Conseil d’État condamne le raisonnement de la Cour administrative d’appel et ajoute un critère quantitatif à la définition de la notion d’extension, introduisant ainsi un rapport de proportionnalité entre l’agrandissement et la construction principale. En d’autres termes, il complète la définition jurisprudentielle de la notion d’extension dans un considérant de principe, énonçant que « lorsque le règlement d’un plan local d’urbanisme ne précise pas, comme il lui est loisible de le faire, si la notion d’extension d’une construction existante, lorsqu’il s’y réfère, comporte une limitation quant aux dimensions d’une telle extension présentant, celle-ci doit, en principe, s’entendre d’un agrandissement de la construction existante présentant, outre un lien physique et fonctionnel avec elle, des dimensions inférieures à celle-ci » ; là réside la nouveauté.
Cette définition prétorienne ainsi complétée – qui ne trouve à s’appliquer que dans le silence des PLU, a contrario c’est la définition retenue dans le PLU qui fait loi – est bienvenue pour les praticiens dès lors qu’elle clarifie l’application des dispositions des documents d’urbanisme selon la nature des travaux. En effet, dès lors que les auteurs de PLU sont fondés à édicter des règles différentes selon qu’elles s’appliquent à des constructions neuves ou à des constructions existantes, cette définition permet de déterminer plus aisément la nature des travaux envisagés.
Cette solution – qui apporte indéniablement une sécurité juridique aux pétitionnaires lorsque les auteurs des PLU n’ont pas pris soin de définir la notion d’extension – s’inscrit dans la continuité du raisonnement adopté par le Conseil d’État dans une décision récente relative à la dimension des annexes aux constructions existantes réalisées en dérogation au principe de construction en continuité en montagne (CE 12 juin 2023, n°466725).