La proposition de loi de simplification du droit de l’urbanisme et du logement, adoptée le 15 octobre dernier, composée de 31 articles, apporte de nombreuses modifications aux Code de l’urbanisme, Code de l’environnement et au Code de la construction et de l’habitation. En simplifiant les procédures, en sécurisant les autorisations et en introduisant de nouveaux outils d’aménagement, cette réforme tente de répondre aux attentes des professionnels confrontés à des enjeux de complexité réglementaire, de rareté foncière et de transition écologique. Actuellement contestée devant le Conseil constitutionnel qui devrait se prononcer d’ici fin novembre, cette loi, qui doit encore être promulguée puis publiée au journal officiel, n’est pas encore en vigueur.
La loi adoptée par l’Assemblée nationale le 15 octobre 2025 vise à simplifier en profondeur le droit de l’urbanisme et du logement. Elle répond à une double ambition : fluidifier les procédures administratives et soutenir la production de logements dans un contexte de tension foncière et de transition écologique. Pour ce faire, elle simplifie les procédures d’évolution des documents d’urbanisme tout en augmentant le nombre de dérogations possibles, notamment en faveur de la production de logement, elle adapte le droit de l’urbanisme à l’enjeu de transformation du bâti existant, y compris dans le quartier spécifique de La Défense et, une nouvelle fois, amende le contentieux de l’urbanisme. Les retouches sont nombreuses et variées.
I. Une clarification du cadre des différentes procédures d’évolution des documents d’urbanisme et de planification
La réforme introduit une rationalisation des procédures d’évolution des documents d’urbanisme. Le nombre de procédures est réduit à deux :
- La révision, désormais réservée aux seules modifications ayant un impact sur le document structurant, stratégique et programmatique : le Projet d’Aménagement Stratégique (PAS) pour le SCoT et le PADD pour le PLU;
- La modification, généralisée à tous les autres cas.
Cette clarification permet aux collectivités de mieux cibler les démarches à engager et aux porteurs de projets de gagner en visibilité sur les délais et les exigences réglementaires.
Dans une logique de simplification, la loi autorise le remplacement de l’enquête publique par une procédure de participation du public par voie électronique (PPVE), dans certains cas. Cette évolution permet de maintenir une exigence de concertation tout en allégeant les contraintes organisationnelles.
Certaines modifications du PLU sont désormais dispensées d’évaluation environnementale, notamment lorsqu’elles visent à corriger une erreur matérielle ou à réduire une zone urbaine ou à urbaniser. Cette mesure permet de débloquer plus rapidement des ajustements techniques sans compromettre les objectifs environnementaux.
Enfin, lorsque le périmètre d’un EPCI compétent en matière de PLU couvre celui d’un SCoT, il devient possible d’élaborer un document unique ayant les effets d’un SCoT et d’un PLUi. Cette fusion renforce la cohérence territoriale et facilite la mise en œuvre des politiques d’aménagement à l’échelle intercommunale.
II. Des outils opérationnels pour transformer les territoires et accompagner les mutations urbaines
La loi introduit plusieurs dispositifs innovants pour répondre aux enjeux de renouvellement urbain, de densification maîtrisée et de mixité fonctionnelle.
Un schéma cadre d’aménagement est créé pour le quartier de La Défense. Ce document stratégique fixe les orientations de l’État en matière d’urbanisme, de logement, de commerce, de transports, de développement économique et culturel, de transition écologique et énergétique. Il s’impose aux documents locaux dans un rapport de compatibilité, renforçant ainsi l’intégration des politiques publiques dans ce territoire emblématique.
Les orientations d’aménagement et de programmation (OAP) des PLU sont élargies pour permettre des interventions dans les secteurs d’habitat individuel ou les zones d’activité économique afin de favoriser l’évolution, la requalification du bâti existant, l’optimisation de l’utilisation de l’espace ou la mixité fonctionnelle, avec la possibilité de mettre en concordance les documents de lotissement.
La loi crée un nouveau type d’opération d’aménagement : les opérations de transformation urbaine. Celles-ci permettent d’intervenir dans les secteurs urbains exclusivement ou majoritairement composés d’habitat individuel ou dans les zones d’activité économique, au sens de l’article L. 318-8-1, pour y favoriser l’évolution ou la requalification du bâti existant et l’optimisation de l’utilisation de l’espace.
La densité minimale des constructions peut désormais être fixée dans toutes les zones du PLU, et non plus uniquement à proximité des lignes de transport. Cette mesure permet de lutter contre l’étalement urbain et de favoriser une urbanisation plus compacte.
Le permis d’aménager multisites est généralisé, offrant une souplesse accrue pour les projets complexes répartis sur plusieurs emprises foncières.
III. Un soutien renforcé à la production de logements
La loi introduit des mesures concrètes pour faciliter la production de logements, lutter contre la vacance et sécuriser les autorisations d’urbanisme.
L’administration fiscale est désormais tenue de transmettre ses données aux services de l’État et à l’ANAH, afin de mieux cibler les politiques de lutte contre la vacance, l’habitat indigne et le développement de l’offre abordable.
Un dispositif temporaire, valable dix ans, permet d’anticiper la transformation des résidences hôtelières à vocation sociale en logements, notamment sociaux, via un protocole conclu entre les acteurs locaux au moment de leur création qui précisera les conditions de transformation de la résidence en logements, notamment en logements sociaux et l’échéance à laquelle elle devra être réalisée
Les règles d’urbanisme sont assouplies pour faciliter la surélévation et la transformation d’immeubles existants.
En particulier, la loi vient limiter les conséquences d’une non-conformité prévues historiquement par la jurisprudence Seckler (CE Sect., 27 mai 1988, n° 79530) : Lorsqu’une construction régulièrement édifiée fait l’objet d’une demande d’autorisation d’urbanisme concernant des travaux de surélévation ou de transformation limitée d’un immeuble existant, l’autorisation d’urbanisme ne peut être refusée sur le seul fondement de la non-conformité de la construction initiale aux règles applicables en matière d’implantation, d’emprise au sol et d’aspect extérieur des constructions (nouvel article L. 111-35 du Code de l’urbanisme).
De plus, les dérogations prévues à l’article L. 152-6 du Code de l’urbanisme ne sont plus réservées aux zones tendues ; elles sont par ailleurs étendues pour autoriser la surélévation d’une construction achevée depuis plus de deux ans, lorsque la surélévation a pour objet la création de logements ou un agrandissement de la surface de logement.
Des dérogations spécifiques sont également créées pour permettre la réalisation de logements dans les zones d’activité économique, la transformation de bâtiments agricoles, ou encore la construction de résidences étudiantes.
Les règles de stationnement sont allégées pour les opérations de petite taille (jusqu’à dix logements), avec la possibilité de recourir à des aires mutualisées.
En dehors du Code de l’urbanisme, relevons que la VEFA inversée par les organismes HLM est simplifiée par la suppression de l’autorisation préfectorale. De plus, la loi crée les « résidences à vocation d’emploi », adaptées aux parcours professionnels temporaires. Les conventions d’utilité sociale (CUS) sont simplifiées et celles en vigueur au 1er décembre 2024 sont prorogées jusqu’en 2027, les opérations portées par des SCCV peuvent désormais inclure des locaux commerciaux, sous certaines conditions.
IV. La sécurisation des projets immobiliers
Sur le plan juridique, la loi renforce la sécurité des autorisations en créant un mécanisme de cristallisation des règles d’urbanisme : un permis modificatif demandé dans les trois ans de la délivrance du permis initial ne peut être refusé sur la base de règles intervenues après le permis initial, sauf pour des motifs de sécurité ou de salubrité. Cette règle s’applique également pour les permis d’aménager.
Les permis précaires peuvent être prorogés. En effet, lorsqu’un permis précaire a été délivré pour une durée limitée, l’autorité compétente pourra prolonger, une fois, le délai (qu’elle fixe) à l’issue duquel le pétitionnaire devra enlever la construction autorisée en application de l’article L. 433-2 du Code de l’urbanisme.
Elle réduit le délai de recours contentieux contre une autorisation d’urbanisme en prévoyant que l’exercice d’un recours gracieux n’a plus pour effet de le proroger. Le délai d’introduction d’un recours gracieux ou hiérarchique à l’encontre d’une décision relative à une autorisation d’urbanisme est d’un mois au lieu de deux aujourd’hui.
Elle restreint la recevabilité des recours contre les documents d’urbanisme. L’article L. 600-1-1 est complété par un alinéa qui ajoute qu’une personne autre que l’État, les collectivités territoriales ou un de leurs groupements n’est recevable à agir contre la décision d’approbation d’un document d’urbanisme ou de son évolution que si elle a pris part à la participation du public effectuée par enquête publique, par voie électronique ou par mise à disposition organisée avant cette décision contestée.
Le texte renforce le pouvoir des maires contre les constructions illégales notamment en augmentant le montant des amendes (jusqu’à 30 000 €) et des astreintes (1 000 € par jour dans la limite d’un montant total de 100 000 €). Enfin, la loi améliore la connaissance du bâti avec la création d’un identifiant unique pour chaque bâtiment, enregistré dans un registre national. Elle facilite la mobilisation du foncier en réduisant le délai pour considérer un bien comme sans maître de 30 à 15 ans, et impose à l’administration fiscale de transmettre aux maires les informations permettant d’identifier ces biens.
De nombreux articles de la loi requièrent l’intervention de décrets d’application pour leur mise en œuvre effective. C’est notamment le cas pour le document d’urbanisme unique valant schéma de cohérence territoriale et plan local d’urbanisme intercommunal, les dispositions sur les CUS, la résidence à vocation emploi, la procédure de participation du public par voie électronique au lieu et place de l’enquête publique pour certains projets. L’application de ces mesures est suspendue à la publication des décrets.
Enfin, il convient de préciser que la loi a été déférée au Conseil constitutionnel le 21 octobre dernier.
Le recours porte sur quatre dispositions du texte :
- l’article 23, qui ne permet à l’autorité administrative, si les travaux autorisés ne sont pas achevés dans une période de trois ans, “de refuser le permis de construire modificatif ou de l’assortir de prescriptions spéciales que s’il s’agit de ‘préserver la sécurité ou la salubrité publiques’ et aucunement pour préserver l’environnement” ;
- le 3° du I de l’article 26, notamment parce qu’il a pour effet d’empêcher tout recours “pour vice de forme ou de procédure” contre un document d’urbanisme au-delà de six mois après sa prise d’effet, y compris pour “absence de rapport de présentation” ou “violation substantielle et grave des principes de participation du public en matière environnementale, notamment en cas d’absence d’évaluation environnementale” ;
- le 7° du I de l’article 26, parce que les modifications de délai qu’il introduit créent “une différence de traitement entre les bénéficiaires d’un permis et les demandeurs dont la demande est refusée”, et peut amener à priver certains requérants d’accès au juge ;
- L’article 26 qui complète l’article L. 600-1-1 par un alinéa qui ajoute qu’une personne autre que l’Etat, les collectivités territoriales ou un de leurs groupements n’est recevable à agir contre la décision d’approbation d’un document d’urbanisme ou de son évolution que si elle a pris part à la participation du public effectuée par enquête publique, par voie électronique ou par mise à disposition organisée avant cette décision contestée.
Le Conseil constitutionnel dispose d’un mois pour statuer sur ce recours.
Eléonore Chirossel et Valérie Guéguen
Lab Cheuvreux