Par un arrêt rendu le 23 janvier 2025, la troisième chambre civile de la Cour de cassation, saisie d’un litige concernant une clause d’indexation illicite stipulée dans un bail commercial, décline les effets produits par la sanction du réputé non-écrit.
En l’espèce, dans le cadre d’un contentieux l’opposant à sa bailleresse, une société locataire au titre d’un bail commercial statutaire demande de voir réputée non écrite la clause d’indexation stipulée dans son bail, ainsi que la condamnation de la bailleresse à lui payer une somme au titre du trop-perçu de loyers par l’effet de l’indexation irrégulière, rétroactivement sur une période de cinq ans.
La Cour d’appel, jugeant la clause d’indexation illicite et la réputant non-écrite, condamne la bailleresse à payer une somme au titre du trop-perçu généré par l’application de cette clause. Relevant que l’action en restitution des sommes indûment versées en vertu de la clause réputée non-écrite est soumise à la prescription quinquennale, les juges du fond en déduisent que la somme à restituer doit être calculée sur la base du loyer acquitté à la date du point de départ de la prescription, en d’autres termes le loyer qui a été acquitté cinq ans auparavant tel qu’indexé à cette date.
La locataire se pourvoit en cassation, considérant que les juges d’appel, en calculant la créance de restitution sur la base du loyer tel qu’indexé il y a cinq ans, ont appliqué la clause d’indexation qui a été réputée non-écrite, laquelle doit pourtant être considérée comme n’ayant jamais existé. Selon la locataire, la créance de restitution doit être calculée au regard du loyer initial.
La Cour de de cassation, faisant droit à la position adoptée par la demanderesse au pourvoi, casse et annule l’arrêt d’appel.
En premier lieu, elle confirme que le locataire commercial qui a acquitté un loyer indexé en vertu d’une clause ultérieurement réputée non écrite peut agir en restitution des sommes indûment versées au cours des cinq années précédant son action en justice.
En second lieu, elle censure les juges du fond pour le loyer sur la base duquel ils ont décidé de calculer la créance de restitution. En effet, comme le précise la Haute Juridiction « dès lors qu’une stipulation réputée non-écrite est censée n’avoir jamais existé, la créance de restitution de l’indu doit être calculée sur la base du montant du loyer qui aurait dû à défaut d’application d’une telle stipulation ». La somme constitutive de l’indu doit donc être calculée sur la base, non pas du loyer acquitté à la date du point de départ de ladite prescription, comme l’a fait la Cour d’appel, mais sur celle constituée par le loyer initial.
Cette décision revient sur les effets attachés à la sanction du réputé non-écrit. Rappelons que la loi du 18 juin 2014 a remplacé la sanction de la nullité par celle du réputé non-écrit. La sanction de la nullité ne peut en effet être mise en œuvre de manière effective en pratique puisque l’action en nullité poursuivie sur le fondement du statut des baux commerciaux se prescrit par deux ans (art. L. 145-60 du Code de commerce). Le réputé non-écrit présente, quant à lui, l’avantage de pouvoir être soulevé et prononcé à tout moment, l’action sur ce fondement étant imprescriptible. La Cour de cassation l’a d’ailleurs récemment rappelé dans le cadre de deux arrêts qu’elle prend le soin de mentionner expressément dans la décision sous commentaire (Cass. 3ème civ. 3ème 19 novembre 2020, n° 19-20.405 ; Cass. 3ème civ. 16 novembre 2023, n° 22-14.091).
Sont notamment réputées non-écrites les clauses d’indexation jouant à la seule hausse ou celles créant une distorsion entre la période de variation de l’indice et la période écoulée entre l’application de l’ancien et du nouveau loyer.
En l’espèce, l’arrêt commenté ne précise pas pourquoi la clause d’indexation est illicite mais le débat porté en cassation ne porte pas sur le bien-fondé ou non de la sanction du réputé non-écrit, mais sur ses seules conséquences.
Les clauses réputées non-écrites sont considérées comme n’ayant jamais existé.
Or, les juges du fond, en calculant la créance de restitution du trop-perçu en se basant sur le montant du loyer acquitté à la date du point de départ de la prescription quinquennale, font application d’un loyer indexé. Ils font donc produire effet à la clause d’indexation illicite alors même que celle-ci est censée n’avoir jamais existé puisque réputée non-écrite. Celle-ci étant réputée inexistante, c’est donc au regard du montant du seul loyer initial qu’il convient de calculer la créance de restitution de la locataire.
Cass. 3ème civ. 23 janvier 2025, n° 23-18.643