L’avis de la Cour de cassation du 20 mars 2025 apporte des éclaircissements bienvenus quant au champ d’application du droit de délaissement dans le périmètre d’une ZAC, dont on sait désormais qu’il ne trouve pas à s’appliquer à une partie d’un bien organisé en volumes. Se refusant à opérer une extension jurisprudentielle du champ d’application du droit de délaissement prévu à l’article L. 311-2 alinéa 1er du Code de l’urbanisme, la Cour de cassation se borne à une interprétation littérale conduisant à cantonner l’exercice de ce droit aux « propriétaires de terrains ».
Doit, avant toute chose, être rappelé que l’article L. 311-2 alinéa 1er du Code de l’urbanisme – siège du droit de délaissement – confère, dès la publication de l’acte portant création d’une ZAC, aux propriétaires de terrains situés dans le périmètre de la ZAC considérée, le droit de mettre en demeure la collectivité ou l’établissement à l’initiative de cette création, de procéder à l’acquisition de leur terrain. En creux, la mise en œuvre de ce droit permet aux propriétaires concernés de contraindre la personne publique à l’initiative de la ZAC à acquérir leur « terrain ».
Alors que la lettre du texte ne vise que les « propriétaires de[s] terrains », la question de l’application du dispositif à d’autres types d’immeuble n’est pas nouvelle. On en veut pour preuve, dans son avis du 20 mars 2025, la Cour de cassation prend le soin de rappeler sa position concernant l’application du droit de délaissement aux propriétaires de terrains bâtis et de lots de copropriété : alors qu’il est acquis de longue date que l’emploi du terme « terrain » n’est pas exclusif aux terrains non bâtis (Cass. 3ème civ., 7 mai 1996, n° 95-70.031) et qu’ainsi peuvent s’en prévaloir les propriétaires de terrains bâtis ou non, a contrario les propriétaires de lots dépendant d’immeubles soumis au régime de la copropriété se sont vu refuser un tel droit (Cass. 3ème civ. 10 mars 1982, n° 81-70.312). Dans cette dernière hypothèse, la Cour soutient qu’en tant que propriétaire d’une quote-part indivise seulement du terrain d’assiette de l’immeuble en copropriété, le propriétaire d’un lot ne saurait être regardé comme un propriétaire de terrain au sens de l’article L. 311-2 alinéa 1er du Code de l’urbanisme.
Saisie de l’applicabilité du droit de délaissement à une partie d’un bien organisé en volumes, la Cour de cassation adopte un raisonnement similaire dans son avis du 20 mars 2025. Dans le prolongement de sa jurisprudence antérieure selon laquelle un copropriétaire ne saurait être regardé comme titulaire d’un terrain au sens du droit de délaissement, la Cour de cassation confirme que cette exclusion s’étend, par nature, aux propriétaires de volumes. Par un renoncement au bénéfice de l’accession siégeant à l’article 552 du Code civil, la division en volume procède à la scission de l’objet du droit de propriété appréhendé dans ses trois dimensions et permet ainsi de conférer un droit divis sur un volume constituant un immeuble par nature. Dès lors, le propriétaire d’un tel droit divis ne peut être regardé comme un propriétaire d’un terrain au sens de l’article L. 311-2 du Code de l’urbanisme.
La solution retenue par la Cour de cassation s’inscrit dans une logique juridique cohérente : la division en volumes permet une appréhension tridimensionnelle du droit de propriété, ce qui empêche de considérer le propriétaire d’un volume comme propriétaire du terrain. Cette interprétation littérale de la loi a toutefois pour effet d’exclure certains propriétaires du bénéfice du droit de délaissement, ce qui soulève, du reste, une question d’égalité de traitement entre les propriétaires de biens immobiliers situés dans le périmètre d’une ZAC.