Le bail commercial statuaire étant en premier lieu un contrat de louage, le locataire est tenu aux obligations énoncées par le Code civil, telles celle d'entretenir et réparer la chose louée ; mais comme les dispositions de ce dernier ne sont pas d'ordre public, la pratique a, de longue date, accru notablement les obligations mises à la charge du locataire à cet égard.
Faisant application des règles qui gouvernent le droit commun des contrats, la jurisprudence établie imposait pour interpréter les baux que la charge ainsi imposée soit clairement identifiée et que sa mise à charge du preneur soit explicite.
Mais en 2014 (Loi n° 2014-626 du 18 juin 2014 dite « Loi PINEL ») le législateur a pris le parti de formaliser un dispositif propre aux baux commerciaux statutaires. C’est pourquoi l’article L. 145-40-2 du Code de commerce dispose depuis lors que « Tout contrat de location comporte un inventaire précis et limitatif des catégories de charges, impôts, taxes et redevances liés à ce bail, comportant l’indication de leur répartition entre le bailleur et le locataire. Cet inventaire donne lieu à un état récapitulatif annuel adressé par le bailleur au locataire dans un délai fixé par voie réglementaire. En cours de bail, le bailleur informe le locataire des charges, impôts, taxes et redevances nouveaux ».
De plus le législateur a fait figurer cet article au rang de ceux dont les clauses, stipulations et arrangements qui ont pour effet d’y faire échec sont réputés non écrits, quelle qu’en soit la forme (cf. art. L. 145-15 C. com).
La Cour d’appel de Versailles précise la sanction du non-respect dudit article L. 145-40-2 du Code de commerce ; selon cette juridiction, à défaut d’inventaire précis des charges, impôts, taxes et redevances liés au bail commercial statutaire et de leur répartition entre le bailleur et le locataire, la clause prévoyant le remboursement de certaines charges par le locataire est réputée non écrite.
Dans l’espèce soumise à la Cour d’appel, la locataire n’acquittait pas les charges réclamées par le bailleur. Dans le cadre du contentieux l’opposant à son bailleur la Cour relève que le bail considéré ne comportait pas d’énumération des charges et se contentait d’énoncer les obligations d’entretien des lieux du locataire, sans viser expressément les charges récupérables. La seule clause explicite du bail obligeait le locataire au remboursement de l’impôt foncier et de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères. La Cour constate l’absence de respect des dispositions précitées et considère que ce libellé contourne l’obligation d’inventaire de l’article L. 145-40-2 du Code de commerce. Seul un inventaire précis et limitatif des catégories de charges permet d’imputer valablement ces dernières au locataire.
Relevons que la Cour retient que le commandement de payer a été délivré de mauvaise foi dans la mesure où il concernait des charges qui n’étaient pas dues par le locataire, au motif que celles-ci ne figuraient pas dans un inventaire tel qu’exigé par le Code de commerce. La Cour de cassation a encore récemment rappelé (Cass. 3ème civ. 25 avril 2024, n° 23-10.384) que le commandement visant la clause résolutoire du bail ne peut produire effet que s’il est délivré de bonne foi.
La décision de la Cour rappelle l’extrême rigueur dont il convient de faire preuve dans la rédaction des clauses relatives aux catégories de charges locatives. Il convient d’énumérer précisément et limitativement toutes les catégories de charges devant être imputées au locataire ; mais soulignons aussi que l’énumération des catégories de charges à la seule charge du preneur ne répond pas aux exigences de l’article L 145-40-2 (CA Bordeaux 2 mars 2022 n° 18/04413, AJDI 2022, 362); le contrat doit énumérer tant les catégories de charges supportées par le preneur que celles supportés par le bailleur. Bien entendu il convient de veiller à ce que cet inventaire soit adapté à la configuration, l’organisation, les équipements et les services rendus au sein des lieux loués ou de leur immeuble de situation, ou dont ce dernier bénéficie (s’il est soumis au statut de la copropriété et/ou situé dans le périmètre d’une association syndicale libre).
CA Versailles 7 mars 2024, n° 22/05759