La cristallisation des règles d’urbanisme au jour de délivrance d’un certificat d’urbanisme est le plus souvent appréhendée de la façon suivante : le pétitionnaire, bénéficiaire d’un certificat d’urbanisme de moins de dix-huit mois, a le droit de voir sa demande de permis de construire examinée au regard des dispositions d’urbanisme applicables à la date de ce certificat, exception faite des dispositions qui ont pour objet la préservation de la sécurité ou de la salubrité publiques, et ce conformément à l’article L. 410-1 du Code de l’urbanisme. Mais qu’en est-il lorsque les règles applicables à la date du certificat d’urbanisme sont moins favorables au pétitionnaire d’un permis de construire que celles applicables lors de l’instruction du permis ?
Le Conseil d’État a été saisi de cette question à la suite des faits suivants :
En 2007, la commune des Lilas se dote d’un plan local d’urbanisme (PLU), qu’elle modifie en 2012.
En 2018, la commune délivre un certificat d’urbanisme opérationnel daté du 22 octobre à Mme A.
En 2020, la chronologie s’accélère :
- en mars, un plan local d’urbanisme intercommunal (PLUI) entre en vigueur,
- le 21 avril (donc moins de dix-huit mois après l’obtention du certificat d’urbanisme), Mme A. dépose une demande de permis de construire portant sur un immeuble de dix logements. Ce projet n’est pas conforme aux règles d’implantation des bâtiments prévues par le PLU mais respecte celles arrêtées par le PLUI.
- en octobre, le maire refuse de délivrer le permis, arguant notamment de la méconnaissance par le projet des articles du PLU sur l’implantation des bâtiments.
La pétitionnaire saisit le Tribunal administratif de Montreuil qui va dans son sens et annule le refus de permis. La Cour administrative d’appel, saisie par la commune, annule le jugement de première instance et rejette la demande de Mme A. : à son sens, puisque la pétitionnaire ne pouvait pas se voir opposer les règles du PLUI, du fait de la cristallisation des règles d’urbanisme, elle ne pouvait pas non plus s’en prévaloir. La demande de permis devait donc être appréciée au regard du seul PLU en vigueur lors de la délivrance du certificat d’urbanisme, et non du PLUI.
La pétitionnaire se tourne alors vers le Conseil d’État, qui annule l’arrêt du juge d’appel et renvoie l’affaire : la cristallisation des règles applicables à la date du certificat d’urbanisme ne peut justifier un refus de permis si le projet présenté est conforme aux règles d’urbanisme en vigueur lorsque le maire prend sa décision.
Au regard de cette décision, la cristallisation des règles d’urbanisme doit être comprise comme une garantie bénéficiant au pétitionnaire, et non comme un carcan juridique lui interdisant de profiter des assouplissements postérieurs à la délivrance du certificat.