C’est en ces termes que la troisième chambre civile de la Cour de cassation a précisé, par un arrêt du 13 février 2025, que la clause stipulant que l’acquéreur prendra le bien en l’état sans recours contre le vendeur pour quelque cause que ce soit, n’exclut pas la garantie due par ce dernier au titre des servitudes non apparentes et non déclarées.
En l’espèce, des particuliers achètent une maison en 2015 qu’ils décident de revendre deux ans plus tard à un tiers aux termes d’un acte en date du 4 juillet 2017. Par suite de la découverte, sous la maison d’habitation, d’un réseau d’évacuation d’eaux usées non déclaré dans l’acte, le nouvel acquéreur assigne ses vendeurs en résolution de la vente et paiement de dommages et intérêts au titre de la garantie des charges non déclarées. Les vendeurs assignent eux-mêmes en garantie le précèdent propriétaire.
Par un arrêt en date du 22 mars 2023, la Cour d’appel d’Agen rejette l’action initiée par le nouvel acquéreur considérant que la clause « Etat du bien » insérée dans l’acte de 2017, qui stipulait que « l’acquéreur prendra le bien dans l’état où il se trouve à ce jour, tel qu’il l’a vu et visité, le vendeur s’interdisant formellement d’y apporter des modifications matérielles ou juridiques. Il déclare que la désignation du bien figurant aux présentes correspond à ce qu’il a pu constater lors de ses visites. Il n’aura aucun recours contre le vendeur pour quelque cause que ce soit, notamment en raison : des vices apparents, des vices cachés », exonérait les vendeurs de la garantie concernant les servitudes occultes en ce qu’elle prévoyait qu’elle s’appliquait pour « quelque cause que ce soit ».
L’acquéreur forme alors un pourvoi en cassation considérant que la clause de non garantie de l’état du bien ne dispensait pas les vendeurs de le garantir quant à l’existence d’une servitude non apparente grevant le bien.
Aux termes d’un arrêt en date du 13 février 2025, la Cour de cassation accède à la demande de l’acquéreur au visa des articles 1638 et 1627 du Code civil, retenant que la clause insérée dans l’acte de vente du 4 juillet 2017 était propre à l’état du bien et n’excluait pas expressément la garantie des servitudes non apparentes et non déclarées.
Cet arrêt rappelle, d’une part, que les servitudes non déclarées relèvent non pas de la garantie des vices cachés, mais de la garantie visée par l’article 1638 du Code civil (comme l’avait déjà expressément indiqué la troisième chambre civile dans un arrêt du 27 février 2013 – Cass. 3ème civ. 27 février 2013, n° 11-28.783) et qu’elle constitue une application du principe général de la garantie d’éviction due par le vendeur aux termes de l’article 1626 du même code (ce que la Cour avait également précisé dans un arrêt du 6 juillet 2023 – Cass. 3ème civ. 6 juillet 2023, n° 22-13.179, cité d’ailleurs dans le corps de l’arrêt commenté).
Il précise, d’autre part, le régime des clauses d’exonération de garantie en indiquant la clause selon laquelle l’acquéreur prend le bien en l’état ne libère pas le vendeur de la garantie spécifique des servitudes non apparentes et non déclarées à défaut de précision spécifique en ce sens. Cette position s’inscrit dans la continuité de la jurisprudence qui, comme le souligne un commentateur de cette décision, interprète de manière restrictive les clauses limitatives ou exonératrices de garantie (cf. C. Sizaire, Garantie des charges non déclarées et conditions d’une exclusion conventionnelle, Construction -Urbanisme 2025, comm. 34).