Après un parcours parlementaire tumultueux, la proposition de loi visant à faciliter la transformation des bureaux et autres bâtiments en logements, dite proposition de loi « Daubié » du nom du député l’ayant portée, vient d’être définitivement adoptée et publiée le 16 juin 2025.
Alors que, selon l’exposé des motifs, depuis la crise sanitaire et la généralisation du télétravail, le taux d’occupation des bureaux a diminué de 5,4%, à peine 2 000 nouveaux logements sont produits par an par la reconversion de bâtiments existants.
Plusieurs freins sont régulièrement mis en avant comme en étant la cause en matière juridique : le droit de l’urbanisme, le droit de la copropriété, et la fiscalité, notamment.
C’est dans ce contexte et face à ce constat que le député de l’Ain Romain Daubié a déposé à l’Assemblée nationale le 15 décembre 2023, la proposition de loi visant à faciliter la transformation des bâtiments de destination autre qu’habitation en habitations, dite proposition de loi « Daubié ». Le texte vise à favoriser la transformation d’actifs vers le logement en agissant sur plusieurs thématiques, celles mises en avant : l’urbanisme, le droit de la copropriété et la fiscalité. Bien que le texte fasse consensus, la dissolution de l’Assemblée nationale mettra fin aux discussions courant 2024. Ces mesures ne seront pour autant pas oubliées.
Celles d’ordre fiscal seront adoptées indépendamment, dans le cadre de la loi du 14 février 2025 de finances pour 2025 :
- Exonération de la taxe annuelle sur les bureaux pour les locaux transformés en logement. Le texte prévoit une exonération de taxe annuelle sur les bureaux en Ile-de-France et dans les départements des Bouches-du-Rhône, du Var et des Alpes-Maritimes, lorsque les locaux, passibles de la taxe, sont (i) vacants au 1er janvier de l’année d’imposition, (ii) pour lesquels une déclaration préalable ou une demande de permis de construire a été déposée au cours de l’année civile précédant la déclaration de la taxe et (iii) ont fait l’objet d’un engagement de transformation en logements dans un délai de 4 ans à compter de la délivrance de l’autorisation – étant précisé que l’engagement de transformation est réputé respecté lorsque l’achèvement des travaux de transformation ou de construction intervient avant l’expiration du délai de quatre ans (art. 231 ter et 231 quater du CGI).
- Création d’une taxe d’aménagement spécifique. La deuxième mesure consiste en la possibilité pour les collectivités de percevoir la taxe d’aménagement afin de réaliser les investissements publics rendus nécessaires par l’accueil de nouveaux habitants par suite d’un changement de destination de locaux non destinés à l’habitation en locaux d’habitation (art. 1635 quater B du CGI).
La discussion sur la proposition de la loi Daubié et le reste des mesures proposées a depuis lors repris son cours et donné lieu à l’adoption de la loi n° 2025-541 du 16 juin 2025 visant à faciliter la transformation des bureaux et autres bâtiments en logements. La loi comporte diverses mesures :
En matière de droit de l’urbanisme
- Extension de la possibilité d’instituer des secteurs dans lesquels les logements issus de la transformation sont à usage exclusif de résidence principale, au sens de l’article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, rappelant ainsi la « servitude résidence principale » instituée par la loi Le Meur pour les constructions nouvelles ;
- Création d’une nouvelle dérogation permettant à l’autorité compétente d’autoriser le changement de destination d’un bâtiment ayant une destination autre que d’habitation en bâtiment à destination principale d’habitation en dérogeant aux règles relatives aux destinations fixées par le PLU ou le document en tenant lieu ; la dérogation peut être refusée au regard des risques de nuisances pour les futurs occupants, de l’insuffisante accessibilité du bâtiment par des transports alternatifs à l’usage individuel de l’automobile et des conséquences du projet sur la démographie scolaire au regard des écoles existantes ou en construction ou sur les objectifs de mixité sociale et fonctionnelle. Dans les zones agricoles, naturelles ou forestières du PLU (hors secteurs dans lesquels le règlement peut autoriser à titre exceptionnel des constructions, résidences démontables, etc.), ces dérogations sont soumises à d’autres conditions, comme le fait que le changement de destination des bâtiments à destination d’exploitation agricole et forestière ne peut être autorisée que lorsqu’il est démontré que lesdits bâtiments ont cessé d’être utilisés pour l’exercice d’une activité agricole ou forestière depuis plus de vingt ans ;
- Création d’une nouvelle dérogation permettant à l’autorité compétente de déroger aux règles des PLU relatives à la proportion de logements d’une taille minimale ;
- Introduction de la transformation des bâtiments à destination autre que d’habitation en habitations dans les missions de l’Agence nationale de la cohésion des territoires ;
- Extension aux opérations de transformation de locaux d’activité en habitations de la possibilité de faire financer par un porteur de projet, via une convention de projet urbain partenarial (PUP), certains équipements publics nécessaires à la réalisation du projet, ou pour répondre aux besoins des futurs habitants ou usagers ;
- Création d’un permis de construire à destination multiple : pour faciliter la réversibilité des bâtiments, le texte permet à l’autorité compétente de délimiter des secteurs dans lesquels le permis de construire peut autoriser plusieurs destinations successives du bâtiment, pour une durée de vingt ans. Un décret en Conseil d’Etat doit encore préciser les conditions d’application de ce texte ;
- Introduction des résidences universitaires définies à l’article L. 631-12 du Code de la construction et de l’habitation dans la liste des biens susceptibles de bénéficier d’une majoration du volume constructible tel qu’il résulte des règles relatives au gabarit, à la hauteur et à l’emprise au sol (art. L.151-28 du Code de l’urbanisme).
En matière de droit de la commande publique
Permettre aux centres régionaux des œuvres universitaires et scolaires (CROUS) de recourir au marché de conception-réalisation sans avoir à respecter les conditions posées par l’article L. 2171-2 du Code de la commande publique
En matière de droit de la copropriété
Pour faciliter le changement de destination de parties privatives à usage autre que d’habitation, à l’exception des locaux commerciaux, vers un usage d’habitation lorsqu’il contrevient à la destination de l’immeuble en soumettant son approbation par l’assemblée générale à la majorité de l’article 24.
L’adoption de ce texte de consensus est à saluer et s’inscrit parfaitement dans le prolongement des initiatives en la matière.
Le 27 mars 2025, Valérie Létard, ministre chargée du Logement, a en effet présenté à l’occasion d’un déplacement dans le département des Hauts-de-Seine, un plan pour soutenir la transformation des bureaux vacants en logements afin d’accélérer la réponse aux besoins très importants en matière de logement et ce, en favorisant la sobriété foncière et le renouvellement urbain. C’est dans ce contexte que Marc Guillaume, préfet de la région d’Île-de-France, préfet de Paris, a lancé le 8 avril 2025 un appel à manifestation d’intérêt (AMI) pour soutenir et accélérer les projets de transformation de locaux d’activités en logements en Île-de-France.
En parallèle, deux groupes de travail nationaux ont été mis en place sur le sujet : le premier, qui concerne la question du financement de ces opérations de transformation, piloté par Xavier Lépine, président de l’Institut de l’épargne immobilière et foncière, et Nadia Bouyer, directrice générale d’Action logement. Le second groupe de travail va s’attaquer à la simplification des normes. Il sera quant à lui piloté par Laurent Girometti, directeur général d’un établissement public d’aménagement de l’État (EpaMarne/EpaFrance), Roland Cubin, directeur général délégué de Groupama immobilier et de Julien Antoine, directeur du pôle transformation d’actifs de Bouygues construction. Leurs travaux devront être conclus fin juillet.
Juliette Marion (Lab Cheuvreux)