Par un arrêt du 1er mars 2023, la troisième chambre civile de la Cour de cassation transpose la solution de principe qu’elle a précédemment énoncée en matière d’exercice par le locataire soumis à la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, de son droit de préemption « principal », à l’exercice du droit de préemption subsidiaire. Elle énonce en effet que « le locataire titulaire d'un droit de préemption acceptant l'offre de vente du bien qu'il habite qui n'a pas à être présentée par l'agent immobilier, mandaté par le propriétaire pour rechercher un acquéreur, ne peut se voir imposer le paiement d'une commission renchérissant le prix du bien ».*
En l’espèce, des propriétaires font délivrer aux locataires d’une maison d’habitation un congé pour vendre valant offre d’acquisition au prix de 400 000 euros. Ils n’acceptent pas l’offre et quittent les lieux à l’issue du préavis.
Les bailleurs consentent une promesse de vente sur cet immeuble à des acquéreurs par l’entremise d’une agence immobilière au prix de 380 000 euros, dont 10 000 euros de commission d’agence ; ce prix est notifié par le notaire aux locataires, qui acceptent l’offre et concluent la vente.
Estimant qu’ils avaient indûment payé la commission, ils assignent l’agence immobilière en remboursement.
Par un arrêt du 11 mai 2021, la Cour d’appel d’Amiens les déboute de leur demande, arguant qu’à la suite du refus initial des locataires, les bailleurs ont conclu un mandat avec l’agence immobilière, laquelle a effectué une réelle prestation de recherche d’acquéreurs qu’elle a ensuite présentés aux vendeurs afin que soit signé le « compromis » de vente du 20 juillet 2017 ; ce n’est que le 2 août 2017 qu’une offre a été faite aux locataires qui ont exercé leur droit de préemption. Elle retient ensuite que la prestation de l’agence immobilière ne s’est pas limitée à la présentation d’une offre ; compte tenu du caractère déterminant de l’intervention de celle-ci, la commission est justifiée et les locataires, en se substituant aux acquéreurs, ont accepté d’acquérir aux mêmes conditions et en sont redevables.
Le 1er mars 2023, la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel. Elle prononce son arrêt au visa des articles 15, II, alinéa 4, de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 et 6 de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970, lesquels, prévoient que dans le cas où le propriétaire, après un refus de l’offre initiale de vente adressée au locataire, décide de vendre à des conditions ou à un prix plus avantageux pour l’acquéreur, le notaire doit, lorsque le bailleur n’y a pas préalablement procédé, notifier au locataire ces conditions et prix à peine de nullité de la vente ; cette notification vaut offre de vente au profit du locataire.
Pour la Haute juridiction « le locataire qui exerce son droit de préemption subsidiaire en acceptant l’offre notifiée par le notaire, qui n’avait pas à être présentée par l’agent immobilier mandaté par le propriétaire pour rechercher un acquéreur, ne peut se voir imposer le paiement d’une commission renchérissant le prix du bien ».
Cass. 3ème civ. 1er mars 2023, n° 21-22.073
*Cass. 3ème civ. 3 juillet 2013, n° 12-19.442 et Cass. 3ème civ. 8 octobre 2015, n° 14-20.666