Après avoir rappelé que le déclassement d’un bien du domaine public suppose en principe qu’il ne soit plus affecté à un service public ou à l'usage direct du public, conformément à la lettre de l’article L. 2141-1 du CG3P, le Conseil d’État juge (CE 12 mars 2025, n° 488167) qu’une « communauté urbaine, qui est compétente pour adapter l'organisation et les conditions de fonctionnement du service public du marché de gros, pouvait légalement modifier, pour des motifs de bonne administration, le périmètre sur lequel s'applique son règlement intérieur et prendre une mesure susceptible d'entraîner la désaffectation de tout ou partie de la halle aux grossistes au service public dont elle a la charge, quand bien même des entreprises continueraient d'y exercer une activité de commerce de gros ».
Partant, le bien en question pouvait parfaitement faire l’objet d’un déclassement malgré le maintien de l’activité en question.
Cette solution permet de bien comprendre la notion de désaffectation au sens des dispositions législatives relatives au déclassement. En effet, traditionnellement, la désaffectation est présentée comme le fait que le bien n’est plus utilisé pour répondre aux besoins de l’utilité publique. Autrement dit, la désaffectation est souvent conçue d’un point de vue matériel, ce qui permet, il est vrai, d’insister sur l’insuffisance d’une simple expression de la volonté de l’administration pour faire sortir le bien du domaine public puisqu’il faut que l’immeuble cesse effectivement d’être utilisé par le service public pour qu’il puisse ensuite par une décision de déclassement être soustrait au régime de la domanialité publique.
Cette présentation traditionnelle est assurément juste. Mais elle ne permet pas de comprendre clairement l’essentiel. Ce qui importe avant tout, ce n’est pas l’activité matérielle à laquelle l’immeuble est affecté. Ce qui importe, c’est le statut de cette activité, c’est-à-dire sa qualification de service public (v. pour de plus amples développements, J.-F. Lafaix et R. Léonetti, La désaffectation du domaine public par changement de statut de l’activité – JCP N 2024, 1065)
Cela pouvait déjà être soutenu, notamment à la lecture de conclusions de commissaires du gouvernement et rapporteurs publics (v. not. sur le changement de statut de l’activité : Mme Bergeal, ccl. sur CE 13 juin 1997, n° 167907 et 168940, Sté des transports pétroliers par pipe-line, AJDA 1997, p. 794 ; et sur l’absence de qualification du critère de l’aménagement indispensable qui permettrait de constater l’absence d’affectation relevant du domaine public et permettant en conséquence un déclassement : M. Dacosta, ccl. sur CE 3 octobre 2012 Commune de Port-Vendres, n° 353915, cité in AJDA 2013, p. 471, note Fatôme, Raunet, Léonetti).
Autrement dit, avec la décision du 12 mars 2025, le Conseil d’Etat confirme désormais explicitement que le changement de statut d’une activité qui par décision de l’autorité compétente n’est plus qualifiable de service public suffit à constater la désaffectation et à prononcer le déclassement d’un immeuble du domaine public.