Dans un arrêt rendu le 27 janvier 2021, la première chambre civile de la Cour de cassation s’est prononcée sur la mise en œuvre en France d’un mandat d’inaptitude établi à l’étranger. Dans l’affaire commentée les magistrats de la Haute juridiction ont considéré que la mise en œuvre en France d'un mandat d'inaptitude suisse ne peut être subordonnée à une condition de validité que n'impose pas la loi suisse.
Dans la décision analysée les faits étaient les suivants :
Le 14 décembre 2012 Mme C… Y… a signé à Pully (en Suisse), où elle résidait habituellement, un mandat d’inaptitude, visant la loi suisse, qui désignait en qualité de mandataire son fils, M. Z… Y… et comme suppléant, M. X… . Mme C… Y… ayant fixé en France sa résidence habituelle, M. Z… Y… a mis en œuvre le mandat en le faisant viser par le greffier du tribunal d’instance de Bayonne le 30 juin 2017. M. Y…, autre fils de la mandante, a saisi le juge des tutelles de Bayonne d’une contestation de la mise en œuvre du mandat de protection future.
Dans un arrêt du 12 décembre 2018, les juges de la Cour d’appel de Pau ont estimé que le mandat de protection future établi par Mme C… Y… le 14 décembre 2012 n’aurait pas dû recevoir le visa du greffier du tribunal d’instance de Bayonne en vertu de l’article 1258-3 du Code de procédure civile, et de prononcer en conséquence l’annulation dudit visa.
La Haute juridiction casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel dans sa décision du 27 janvier 2021 (pourvoi n° 19-15.209). En effet, selon la première chambre civile de la Cour de cassation, les juges du fond ont violé les articles 15 et 16 de la Convention de La Haye du 13 janvier 2000 sur la protection internationale des adultes ainsi que les articles 1258, 1258-2 et 1258-3 du Code de procédure civile, en annulant le visa du greffier sur le mandat d’inaptitude visant la loi Suisse au motif qu’il ne comportait pas les modalités de contrôle du mandataire.
Dans son dispositif, la Cour de cassation affirme que « la mise en œuvre en France d’un mandat qui désigne une loi étrangère, ou qui a été fait dans un Etat étranger où le mandant avait précédemment sa résidence habituelle, peut être soumise, au titre des modalités d’exercice des pouvoirs de représentation mentionnées au paragraphe 3, à une procédure de visa destinée à vérifier que l’altération des facultés du mandant a été médicalement constatée et à fixer la date de prise d’effet du mandat ». Ainsi, le fait que le mandant soit venu par la suite résider en France n’a aucune incidence sur la loi applicable à l’existence, l’étendue, la modification et l’extinction des pouvoirs de représentation, mais uniquement sur les modalités d’exercice du mandat. En pratique, une distinction doit donc être opérée entre la mise en œuvre du mandat d’inaptitude et sa validité.
Enfin, la Haute juridiction considère que « la mise en œuvre en France d’un mandat qui désigne une loi étrangère, ou qui a été fait dans un Etat étranger où le mandant avait précédemment sa résidence habituelle (…) ne saurait être subordonnée à des conditions propres au droit français, telles que l’exigence d’une prévision expresse, dans le mandat, de modalités de contrôle du mandataire que n’impose pas la loi applicable à cet acte ». En conséquence « la mise en œuvre en France d’un mandat d’inaptitude suisse ne pouvait être subordonnée à une condition de validité que n’imposait pas la loi suisse ».