Pour la Cour administrative d’appel de Lyon, l'agrandissement de la construction contractuelle initiale sur un autre terrain ne s'inscrit pas dans les prévisions du bail à construction d’origine et ne saurait, par suite, et en dépit de la volonté manifestée par les parties, d'étendre les effets du bail à construction initial aux nouvelles parcelles acquises, bénéficier du dispositif prévu au II de l'article 33 ter du code général des impôts. Pour cette juridiction, l'administration est fondée à soutenir que le revenu correspondant à cet agrandissement ne peut bénéficier de l'exonération d'impôt sur le revenu prévue par le II de l'article 33 ter du code général des impôts.
Une SCI conclut avec une SA un bail à construction pour une période de trente ans à compter du 31 mars 1983, stipulant qu’en contrepartie de l’engagement du preneur de construire sur le terrain loué un bâtiment à usage d’atelier industriel et de bureaux, les constructions édifiées deviendraient la propriété du bailleur à l’expiration du bail.
En 1985 les parties conviennent d’étendre ce bail sur un terrain supplémentaire acquis par la SCI bailleresse destiné à recevoir de nouvelles constructions à édifier éventuellement en extension de celles construites dans le cadre du bail à construction initial et faculté pour le preneur d’ y aménager des aires de circulation et de stationnement. Le 9 novembre 1998, elles conviennent de l’agrandissement du bâtiment initial. En 2015 à l’issue d’un contrôle sur place, l’administration estime que le revenu résultant de la remise en fin de bail, le 31 mars 2013, de l’agrandissement du bâtiment initial ne peut bénéficier de l’exonération d’impôt sur le revenu prévue par le II de l’article 33 ter du code général des impôts dès lors qu’il n’a pas été initialement prévu par le contrat de bail à construction. L’administration considère, en conséquence, que le prix de revient de cet agrandissement, estimé à partir des éléments obtenus dans le cadre de la vérification de comptabilité du preneur, constitue un complément de loyer imposable dans la catégorie des revenus fonciers au titre de l’année d’accession.
Pour la Cour administrative d’appel de Lyon, l’agrandissement de la construction contractuelle initiale sur un autre terrain ne s’inscrit pas dans les prévisions du bail à construction d’origine et ne saurait, par suite, et en dépit de la volonté manifestée par les parties dans les avenants conclus en 1985 et 1998, d’étendre les effets du bail à construction initial aux nouvelles parcelles acquises, bénéficier du dispositif prévu au II de l’article 33 ter du code général des impôts. Pour cette juridiction, l’administration est fondée à soutenir que le revenu correspondant à cet agrandissement ne peut bénéficier de l’exonération d’impôt sur le revenu prévue par le II de l’article 33 ter du code général des impôts.
Rappelons que lorsque, selon la règle générale, les constructions reviennent sans indemnité au bailleur en fin de bail, les profits représentés par la valeur de ces constructions, évaluées à leur prix de revient, sont en principe imposables au nom du bailleur en tant que revenus fonciers ou bénéfices professionnels (CGI art. 33 ter, II). Si la durée du bail est égale ou supérieure à 30 ans, la remise des constructions ne donne lieu à aucune imposition. Si la durée est comprise entre 18 et 30 ans, l’impôt n’est dû que sur une valeur réduite en fonction de la durée du bail dans les conditions suivantes : le revenu brut foncier ou le bénéfice professionnel correspondant à la valeur des constructions remises au bailleur est égal au prix de revient de ces constructions, sous déduction d’une décote égale à 8 % par année de bail au-delà de la dix-huitième (CGI ann. III art. 2 sexies).
De longue date une réponse ministérielle (RM Sergheraert – AN 03/06/1991 n° 38247) avait précisé que lorsqu’un bâtiment supplémentaire était réalisé conformément à un avenant au bail initial, en premier lieu le transfert sans indemnité au bailleur de la propriété de l’ensemble des constructions réalisées par le locataire s’effectue à la date d’expiration du bail initial, en second lieu seul le revenu correspondant à la remise du bâtiment contractuellement prévu initialement pourrait bénéficier des dispositions spécifiques à ce type bail et enfin le bâtiment dont la construction a fait l’objet de l’avenant doit être considéré comme une simple construction sur sol d’autrui, le revenu correspondant à son prix de revient étant imposé en totalité à l’expiration du bail.
Mais c’est la première fois qu’une Cour administrative d’appel se prononce sur cette hypothèse et ses conséquences ; elle le fait dans le parfait prolongement de la position de l’administration relatée ci-dessus.
Quelles conséquences tirer de cette décision ?
D’un point de vue juridique, en l’absence de stipulations particulières dans le bail, compte-tenu de la nature superficiaire des droits du preneur, ce dernier peut édifier librement, outre les constructions contractuellement prévues (lesquelles constituent son obligation principale – cf. art. L. 251-1 al 1 CCH) ,toutes constructions supplémentaires. Mais dès lors qu’aucune disposition législative d’ordre public ne régit cette question, les parties conservent leur liberté contractuelle. C’est pourquoi la Cour de cassation a affirmé la possibilité de priver le preneur de cette prérogative et de subordonner l’édification de constructions nouvelles à l’autorisation préalable du bailleur sans qu’il n’en résulte une atteinte à l’essence du droit réel immobilier du preneur (Cass. 3ème civ. 5-12-2007 n° 06-19.728 FS-PB : RJDA 5/08 n 501).
Au vu de l’arrêt commenté , gageons que les bailleurs à construction , désormais informés des conséquences attachées à l’accession des constructions supplémentaires, interdiront au preneur l’édification de constructions autres que les constructions contractuelles initiales.
CAA Lyon 12 mai 2022, n° 20LY01508