Cheuvreux Paris

Vente contre remise d’équipement public : la Cour de cassation se prononce à son tour

21 Déc 2023 Newsletter

Dans une décision « SCCV du Soleil » du 26 octobre 2023, la 3ème chambre civile de la Cour de cassation s’inscrit dans le droit fil des jurisprudences récentes des juridictions administratives et de la CJUE en matière d’opérations mixtes comprenant un volet immobilier et la réalisation de travaux. Elle valide, en l’espèce, une vente contre remise de locaux dans laquelle les acquéreurs, sélectionnés dans le cadre d’un appel à candidatures lancé par l’EPF PACA, s'obligeaient à réaliser sur les parcelles vendues par la commune de Vallauris, un programme de 250 logements collectifs de 16 350 m² de surface de plancher, dont environ 650 m² destinés à un local brut de béton et 17 places de stationnement à remettre à la commune venderesse dans le cadre d’une dation en paiement.

Dans cette affaire, dénonçant des irrégularités dans la procédure de conclusion du contrat litigieux, le maire prend la décision de ne plus vendre, considérant en effet que le contrat comporte des prestations de travaux visant à la réalisation d’un équipement public (à savoir une crèche) qui aurait dû être réalisé dans le strict cadre de la commande publique. L’édile se constitue ensuite partie civile pour des faits de favoritisme, complicité de favoritisme et recel dans ce dossier.

Dans le même temps, les promoteurs bénéficiaires de la promesse se portent, quant à eux, devant les juridictions civiles en exécution forcée de la vente après établissement d’un procès-verbal de carence de la commune établi par le notaire de l’acte en novembre 2020.

Donnant satisfaction aux demandeurs, le Tribunal judiciaire de Grasse dit la vente parfaite au prix de 4 440 000 €, dont la somme de 1 209 000 € par dation en paiement, par jugement en date du 7 juillet 2021, décision confirmée par la Cour d’appel d’Aix-en-Provence le 10 mai 2022.

Rejoignant les solutions de ces juridictions, la Cour de cassation fait siens les arguments conduisant à écarter en l’espèce toute requalification de la promesse de vente en marché public.

Elle relève que l’exigence de logements sociaux figurant dans l’appel à candidatures correspond à la proportion minimale prévue par le PLU en vigueur et que, par voie de conséquence, les travaux y relatifs n’ont pas été exécutés dans l’intérêt économique direct de la commune. Cette seule constatation, pour la partie du programme non destinée à revenir à la commune, peut suffire à elle seule à écarter la qualification de marché public. Mais on notera que la Cour de cassation relève au surplus que la commune n’a formulé aucune demande portant sur la structure architecturale des bâtiments à édifier et qu’elle n’a exercé aucune influence déterminante sur leur nature ou leur conception.

La Cour semble ainsi vouloir s’inscrire dans la droite ligne des jurisprudences récentes sur la notion de travaux en droit de la commande publique (CJUE 22 avril 2021, Commission c. Autriche, aff. C-537/19 et CAA de Nancy, 15 avril 2021, n° 19NC02073 (lire notre actualité).

La CJUE en particulier énonçait alors deux idées permettant de sécuriser les opérations de VEFA / BEFA publiques :

1/ une telle influence doit être « exercée sur la structure architecturale de ce bâtiment, telle que sa dimension, ses murs extérieurs et ses murs porteurs. Les demandes concernant les aménagements intérieurs ne peuvent être considérées comme démontrant une influence déterminante que si elles se distinguent du fait de leur spécificité ou de leur ampleur » (§ 53).

2/ l’absence de PC lors de la conclusion du contrat ne s’oppose pas à ce que l’ouvrage soit considéré comme étant sur le marché, puisque « conformément aux pratiques et aux habitudes du marché, un projet architectural complet n’est pas un préalable à l’engagement des locataires potentiels » (§74).

En l’espèce, cette précision de la Cour de cassation sur l’absence d’influence sur la structure architecturale de l’immeuble demeure importante s’agissant des éléments du programme destinés à revenir à la commune puisqu’il s’agit de confirmer que cette partie du programme, qui présente un intérêt économique direct pour le pouvoir adjudicateur, n’a pas eu d’incidence sur la conception de l’ouvrage.

Pour parfaire son analyse, la Cour de cassation fait également référence à la théorie des contrats à objets mixtes (aujourd’hui codifiée aux articles L. 1300-1 à L. 1330-1 du Code de la commande publique) en considérant que « les deux volets de l’opération [vente et dation] étaient objectivement indissociables, [la cour d’appel] a pu en déduire que la convention, qui n’avait pour objet principal ni la réalisation d’une opération d’aménagement public, ni la fourniture d’un équipement répondant à un besoin spécifiquement défini par la commune, n’était pas soumise aux règles de la commande publique (…). »

Elle recherche donc l’objet principal de l’opération (vente immobilière à un promoteur vs travaux répondant au besoin d’un acheteur public) et, comme on le sait, cet exercice n’est pas forcément dénué de complexité… (voir par exemple : TA Montpellier 26 juin 2009, Sarran, n° 0704910 ; CAA Douai 25 octobre 2012, Société immobilière Carrefour, n° 11DA01951).

Comme le rappelle la DAJ de Bercy (Fiche DAJ Bercy « Contrats de la commande publique et autres contrats », § 1.4.4.1, p. 10), « la détermination de l’objet principal du contrat s’opère dans son ensemble selon une analyse multicritères tant quantitative que finaliste, et non sur le seul montant respectif des prestations composant son objet. Son appréciation doit avoir lieu au regard des « obligations essentielles » qui prévalent et qui caractérisent le contrat, par opposition à celles qui ne revêtent qu’un caractère accessoire ou complémentaire ».

En définitive, la Cour de cassation semble analyser la remise des locaux à la commune comme une simple modalité de paiement du prix de vente (27 % du prix total ici), ce procédé de dation « existant également entre des vendeurs privés » (CA Aix-en-Provence, 10 mai 2022, n° 21/11857) tout en prenant cependant soin de relever leur caractère indivisible de l’opération globale et leur nature « brut de béton ». Cette dernière précision peut étonner car, dès lors que la Cour avait validé l’absence d’influence sur la conception de l’ouvrage et le caractère accessoire de ces éléments de programme destinés à revenir à la commune, cette dernière aurait pu parfaitement en déterminer avec précision les spécifications sans que cela confère à l’ensemble contractuel le caractère d’un marché public. Peut-être que la Cour a voulu sur ce point s’inspirer de jurisprudences récentes des juridictions administratives, notamment celle de la CAA Marseille (11 avril 2022, n° 21MA00539) ayant validé la remise en dation à la Ville de Grasse d’un  « local d’activité en configuration clos couvert (vitrines posées, fluide en attente, branchement concessionnaires en attente, aucun aménagement intérieur) » d’environ 350 m² estimé à 450 000 € (sur un prix de vente total de 3 M€), ouvrage sur lequel la ville était réputée n’avoir imposé « aucune spécification précise ».

Quoi qu’il en soit, il était important que la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire confirme la solution des contrats mixtes et sa compétence pour en connaître dès lors que la vente, contrat de droit privé, en constitue l’objet principal, tant on sait que cette solution est employée dans les opérations de développement immobilier, notamment pour produire des logements dans des programmes comportant une mixité fonctionnelle sur des terrains publics nécessitant des reconstitutions ou réalisations d’équipements publics.

Cass. 3ème civ. 26 octobre 2023, n° 22-19.444, SCCV du Soleil

Raphaël Léonetti et Maïté Charbonnier, Lab Cheuvreux

 

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