Par un arrêt en date du 13 avril 2023, la Cour de cassation énonce que l’action en garantie décennale est attachée à la propriété de l’ouvrage, lequel appartient à l’usufruitier lorsqu’il a édifié une nouvelle construction.
Dans cette affaire, l’usufruitier avait fait édifier une piscine couverte, affectée de désordres d’humidité et de ruissellement d’eau en toiture. Le nu-propriétaire du terrain avait assigné le maître d’œuvre et son sous-traitant sur le fondement de la responsabilité décennale.
Tant le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer que la Cour d’appel de Douai avaient rejeté son action pour irrecevabilité à agir sur le fondement de la garantie décennale. Il était relevé que la construction n’avait pas été réalisée pour le compte du nu-propriétaire du terrain mais pour le compte de l’usufruitier qui les avait fait réaliser pour son propre usage. Or, l’on sait que le nu-propriétaire acquiert la propriété des constructions nouvelles à la fin de l’usufruit et non au fur et à mesure de leur édification (Cass. 3ème civ. 19 septembre 2012, n° 11-15.460). Le nu-propriétaire n’étant pas devenu propriétaire de l’ouvrage ne pouvait donc agir sur le fondement des dispositions de l’article 1792 du Code civil.
La Cour de cassation, saisie à nouveau du sujet du droit d’accession du nu-propriétaire, rappelle la solution de principe, précédemment énoncée dans l’arrêt du 19 septembre 2012, selon laquelle il n’existe « aucun enrichissement pour le nue-propriétaire qui n’entrera en possession des constructions qu’à l’extinction de l’usufruit, l’accession n’a pas opéré immédiatement au profit du nu-propriétaire du sol ».
Au cas particulier, en l’absence d’une convention qui aurait dérogé au principe précité de report de l’accession de la construction nouvelle, il en a été exactement déduit que le nu-propriétaire n’en était pas devenu propriétaire avant la fin de l’usufruit.
Cette affaire, et la solution y afférente, méritent d’être rapprochées de celle ayant donné lieu à un précédent arrêt de la même chambre en date du 16 novembre 2022, n° 21-23.505 ; en l’espèce, il a été dénié à l’usufruitier la qualité de propriétaire pour agir sur le fondement de la garantie décennale au titre de travaux qu’il avait réalisé sur la construction préexistante objet du démembrement.
Au cas particulier, il n’avait pas été contesté que l’auteur de l’action en garantie décennale était usufruitier du bien immobilier sur lesquels les travaux avaient été effectués par l’entreprise et que seul le nu-propriétaire était propriétaire.
En pareille hypothèse, l’usufruitier dispose donc uniquement d’un droit de jouissance sur la chose et peut seulement agir sur le fondement de l’action en responsabilité contractuelle de droit commun.
Dès lors, en l’absence de convention réglant le sort des ouvrages fruits des travaux effectués sur un bâti existant par l’usufruitier, le nu-propriétaire demeure le seul titulaire de l’action en garantie décennale.
A l’inverse, en présence d’une nouvelle construction édifiée par l’usufruitier sur l’assiette du bien immobilier objet de son droit, et en l’absence de convention anticipant le moment de l’accession de ces nouvelles constructions, l’usufruitier est le titulaire de l’action en garantie décennale.