Cette décision revient d’une part sur la responsabilité pour trouble anormal de voisinage, et d’autre part sur le régime de garantie en droit des assurances.
L’usufruitière d’un pavillon ayant subi un dégât des eaux causé par des fuites sur le réseau des canalisations enterrées de la maison voisine a assigné ses nouveaux propriétaires ainsi que leurs vendeurs et leurs assureurs respectifs sur le fondement de la théorie des troubles anormaux du voisinage. Les juges du fond ont accueilli la demande de l’usufruitière et déclaré responsables les actuels propriétaires de la maison. Ils ont par ailleurs écarté la garantie de leur assureur.
Ces derniers ont alors formé un pourvoi en cassation.
Ils reprochent à la cour d’appel de leur avoir seuls imputé la responsabilité d’un trouble anormal de voisinage alors que les désordres avaient débuté à une époque où la maison ne leur avait pas encore été vendue.
Ils font également grief aux juges du fond de ne pas avoir retenu la garantie de leur assureur alors que le sinistre était survenu pendant la période de couverture par le contrat d’assurance et qu’elle ne faisait pas l’objet d’une exclusion formelle et limitée.
Le moyen relatif à la responsabilité pour trouble anormal de voisinage est rejeté par la Cour de cassation. La Haute juridiction prend soin de rappeler que « l’action fondée sur un trouble anormal du voisinage est une action en responsabilité civile extracontractuelle qui, indépendamment de toute faute, permet à la victime de demander réparation au propriétaire de l’immeuble à l’origine du trouble, responsable de plein droit », avant de poursuivre en précisant que, dans la mesure où le trouble avait subsisté après l’acquisition du bien par les actuels propriétaires, ces derniers étaient responsables, peu important qu’ils n’en aient pas été propriétaires lorsque les désordres avaient débuté.
La Cour censure en revanche l’arrêt d’appel en ce qu’elle a écarté la garantie de l’assureur des propriétaires actuels. Elle souligne que non seulement l’assureur était tenu à garantie dans la mesure où « dans les assurances « dégât des eaux » , l’assureur est tenu à garantie, dès lors que le sinistre était survenu pendant la période de validité du contrat d’assurance », mais aussi que les juges du fond n’avaient pas recherché si les dégâts des eaux provenant de conduites enterrées étaient expressément mentionnés dans les exclusions de garantie, à défaut de quoi ils faisaient l’objet d’une exclusion indirecte.
Cette décision revient d’une part sur la responsabilité pour trouble anormal de voisinage, et d’autre part sur le régime de garantie en droit des assurances.
La responsabilité pour trouble anormal de voisinage
Cet arrêt réaffirme le régime de la responsabilité pour trouble anormal de voisinage. La Cour de cassation souligne qu’il s’agit d’une responsabilité civile extracontractuelle et qu’elle a un caractère objectif. Le propriétaire est responsable du seul fait de sa qualité de propriétaire du fonds dont émane le trouble. C’est ainsi qu’en l’espèce, les nouveaux propriétaires du bien ont vu leur responsabilité engagée pour un trouble qui avait débuté bien avant son acquisition, puisqu’il s’était poursuivi une fois qu’ils étaient devenus propriétaires du fonds.
La décision rappelle par ailleurs de manière implicite que l’action pour troubles anormaux de voisinage n’est pas réservée au propriétaire du fonds subissant le trouble et qu’elle peut être exercée par l’occupant dudit fonds, tel que le locataire ou l’usufruitier du fonds. Il importe en effet que le demandeur subisse directement et personnellement le trouble.
Outre ses enseignements en matière de trouble anormal de voisinage, la décision commentée rappelle deux principes du droit des assurances.
L’étendue de la garantie de l’assureur
La décision commentée revient sur le champ d’application temporel de la garantie de l’assureur, puis sur les caractéristiques des clauses d’exclusion de garantie.
D’une part, la Cour de cassation censure l’arrêt d’appel qui avait écarté la garantie de l’assureur des nouveaux propriétaires au motif que le premier sinistre remontait à une date antérieure à la période de validité de leur contrat d’assurance. La Haute juridiction rappelle pour ce faire que la garantie de l’assureur est, selon le choix des parties, déclenchée soit par le fait dommageable, soit par la réclamation et que, dans la mesure où dans les assurances « dégâts des eaux », la garantie est déclenchée dès lors que le sinistre est survenu pendant la période de validité du contrat d’assurance, l’assureur des nouveaux propriétaires était bien tenu à garantie puisque le trouble s’était poursuivi après l’entrée en vigueur du contrat.
D’autre part, la décision souligne les caractéristiques que doivent adopter les exclusions de garanties : elles doivent être mentionnées « en caractère très apparents » (1) et être « formelles et limitées » (2). La clause d’exclusion doit donc délimiter explicitement le champ de l’exclusion de garantie. A cet égard, les exclusions indirectes de garantie ne sont pas admises. C’est sur ce motif que la Cour de cassation a dans l’arrêt commenté annulé l’arrêt d’appel qui n’avait pas recherché si les dégâts des eaux provenant de conduites enterrées étaient expressément mentionnés dans les exclusions de garantie.
Cass. 3ème civ. 16 mars 2022, n° 18-23.954